Deux mois après les faits présumés, les deux rugbymen français inculpés de viol en Argentine sont arrivés mercredi soir en France et ont quitté l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle par une sortie dérobée, évitant ainsi de passer devant les journalistes présents en nombre dans l'aérogare. "Ils ont quitté l'aéroport", a indiqué à l'AFP Antoine Vey, avocat français d'Hugo Auradou et Oscar Jegou, après qu'une source aéroportuaire a confirmé que leur avion en provenance de Buenos Aires a atterri à Roissy, au nord de Paris, mercredi en fin de journée.
Dans la journée de mardi, les deux joueurs avaient reçu le feu vert pour quitter l'Argentine lors d'une audience -en leur absence- au tribunal de Mendoza (ouest). La justice a suivi les recommandations du parquet selon lequel l'accusation a "perdu de sa force initiale". À l'audience, l'accusation "ne s'est pas opposée", a précisé le tribunal de Mendoza dans un communiqué. "C'est un film d'horreur qui n'aurait jamais dû exister. Cela n'aurait jamais dû arriver, aucune plainte n'aurait dû être déposée", a déclaré Me Cuneo Libarona mardi soir à l'aéroport.
Auradou et Jegou restent inculpés, depuis près de deux mois, de viol aggravé, car commis en réunion. "Judiciairement, pour moi, ce retour en France signifie la fin des poursuites", a toutefois estimé sur France 5 Me Vey. "On ne fait pas rentrer en France des gens si on pense qu'ils ont commis les faits". Les faits présumés seraient survenus dans la nuit du 6 au 7 juillet dans une chambre d'hôtel de Mendoza, où le XV de France venait de remporter un test-match contre l'Argentine, première sélection pour les deux joueurs.
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L'accusation a "perdu de sa force"
Les joueurs affirment que les relations sexuelles avec la plaignante, une Argentine de 39 ans rencontrée en boîte de nuit, étaient consenties. Et ils nient toute violence, alors que l'avocate de la plaignante a évoqué "une violence terrible", qui a vu sa cliente "sauvagement battue". D'abord en détention pendant un peu plus d'une semaine, Auradou et Jegou ont été assignés à résidence mi-juillet à Mendoza, sous bracelet électronique, puis remis en liberté le 12 août, avec interdiction de quitter l'Argentine.
Dans son argumentaire recommandant leur libre départ, le parquet de Mendoza avait estimé lundi qu'"il ressort clairement de l'abondance des preuves que l'accusation initiale a perdu de sa force, ce qui doit (...) avoir un impact sur l'évaluation du risque concret de fuite". Le feu vert donné à un retour en France est assorti de "règles" : se présenter s'ils sont convoqués au consulat d'Argentine en France, être entendus en mode virtuel "aussi souvent qu'il en soit requis", voire revenir "se présenter à Mendoza (1.000 km de Buenos Aires) si ceci leur est demandé".
Une demande de non-lieu, déposée par les avocats des joueurs la semaine dernière, doit désormais être examinée par la justice. "Je n'ai aucun doute que nous l'obtiendrons d'ici environ 10 jours ouvrables, mais aujourd'hui ces garçons devaient rentrer dans leur pays", a déclaré Me Cuneo Libarona. Lundi, la justice avait rejeté une demande de récusation, par les avocats de la plaignante, des deux procureurs chargés de l'enquête. Ils reprochaient aux magistrats d'avoir fait preuve de "manque d'objectivité" et "jugé au lieu d'enquêter".
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Des poursuites ultérieures pas exclues
Ils déploraient aussi que les joueurs puissent bientôt reprendre en France "le cours de leur vie normale, tandis que la plaignante souffre de préjudices irréparables". Après une tentative de suicide il y a onze jours, elle restait hospitalisée lundi, ont-ils rappelé. Dans un extrait d'interview, réalisée avant la décision de mardi, pour l'émission Envoyé spécial qui doit être diffusée le 12 septembre, la plaignante réaffirme avoir été violée et frappée. "Ils m'ont brutalisée et considérée comme un morceau de viande", déclare-t-elle.
Son avocate, Natacha Romano, a dit dans une brève déclaration mardi "ne pas être satisfaite" du départ des joueurs et des modalités. Elle a, entre autre griefs, déploré une caution "dérisoire" de 10 millions de pesos (12.300 dollars) fixée pour chaque joueur. La Fédération française de rugby (FFR) a salué "avec satisfaction" le retour en France des joueurs, une "nouvelle avancée vers la vérité judiciaire des faits".
Interrogé sur d'éventuelles poursuites ultérieures contre la plaignante, Me Cuneo Libarona a indiqué qu"on y réfléchit beaucoup", et qu'il y serait personnellement favorable, une fois le non-lieu examiné. "Quand tout cela sera fini, on va l'analyser avec les familles (des joueurs) et eux décideront".