Pour l’âge de raison, il faudra patienter encore un peu. Mais Airbnb, qui fête cette année ses 10 ans, n’a plus grand chose à voir avec la start-up montée par Brian Chesky, Nathan Blecharczyk et Joe Gebbia, alors étudiants en école de design, fauchés et incapables de payer le loyer de leur appartement de San Francisco. Aujourd’hui, leur plateforme est présente dans près de 200 pays et a hébergé 300 millions de voyageurs. Une croissance fulgurante qui a de quoi rendre jaloux plus d’un concurrent. Mais qui lui pose aussi de nombreux problèmes alors qu’elle cherche à ouvrir un nouveau chapitre de son histoire.
Volonté de régulation
Comme beaucoup de start-up de l’économie du partage, Airbnb s’est bâtie sur un secteur où le cadre légal était obsolète. Mais face à l’ampleur prise par cette plateforme venue d’Amérique, les acteurs du secteur, les législateurs et les villes n’ont pas tardé à hausser le ton. Quelle est cette plateforme qui permet de gagner de l’argent en louant son appartement (sans généralement le déclarer au fisc) ? Quel est ce service d’hébergement qui ne fait pas payer la taxe de séjour ? Quel est ce concurrent déloyal pour les hôtels ? Quel est cet acteur qui ne paye pas (vraiment) ses impôts dans les pays où il est présent ? Et au fond, ne risque-t-il pas d’inciter les propriétaires à retirer leurs appartements du marché de la location traditionnelle ? Toutes ces questions ont fortement hérissé dans plusieurs pays, notamment en Europe.
Alors pour ne pas se laisser dépasser et risquer une interdiction, Airbnb a coopéré, bon gré, mal gré. D’accord, pour la taxe de séjour que la plateforme prélève désormais dans la majorité des villes françaises. D’accord également pour inciter ses utilisateurs à déclarer leurs gains aux impôts. Nettement moins d’accord en revanche pour parler de concurrence déloyale avec les hôtels ou pour payer plus d’impôts. Quand au marché de la location, Airbnb n’a eu d’autre choix que de se plier aux nouvelles lois mises en place par chaque pays. En France, il est par exemple interdit de louer son appartement plus de 120 nuits par an. A Barcelone, en Espagne, ville à la législation la plus dure, il est même interdit de proposer plus d'un logement entier sur Airbnb. Seuls ceux où une chambre est louée en présence du propriétaire sont acceptés.
Volonté de durcir les règles
Mais les villes ne veulent pas s’arrêter là. En France, la mairie de Paris milite pour que chaque ville puisse choisir le nombre de nuit maximum durant lesquelles un appartement peut-être loué sur Airbnb. La capitale française voudrait le limiter à 60 par an, contre 120 actuellement. Une décision qui, venant d’une ville très touristique, poserait forcément de nouveaux problèmes à la start-up californienne. Pour Airbnb, l’enjeu des mois et des années à venir est bien là : réussir à continuer de croître sans subir les foudres des différentes municipalités.
D’autant que la question des impôts risque également d’empoisonner Airbnb dans les mois à venir. Alors que l’Union européenne prépare une nouvelle loi pour mettre un terme à l’optimisation fiscale trop importante des entreprises, notamment américaines, les utilisateurs sont de plus en plus sensibles à ce sujet. Uber s’est par exemple attiré la colère des passagers français dont certains lui ont préféré Chauffeur Privé, qui paye ses impôts en France.
Vers une introduction en bourse
Avec cette croissance impressionnante, un autre point a aussi été soulevé récemment : celui d’une introduction en bourse de l’entreprise. Tout était prêt pour qu’elle ait lieu en 2018. Il n’en sera finalement rien. Brian Chesky, le fondateur et CEO, semble y être opposé et a bloqué le processus, expliquait Bloomberg il y a quelques semaines. Le directeur financier de l’entreprise, qui portait le projet en a même fait les frais : il a été remercié début février. A sa place, le jeune patron de 36 ans a décidé de propulser Belinda Johnson, ancienne directrice juridique, directrice des opérations (Chief Operating Officer). A elle, donc, de mener à bien la stratégie d’Airbnb dans les années à venir et de parer les coups.
Cette stratégie, l’entreprise doit la présenter jeudi matin non loin de son siège, au coeur de San Francisco, lors d’une grande conférence animée par Brian Chesky lui-même. Pour l’occasion, la start-up a réuni les journalistes du monde entier dans une salle de plusieurs centaines de places. Une preuve supplémentaire de l’ambition d’Airbnb pour les dix ans à venir…