La Cour des comptes constate un "essoufflement" des contrôles contre la fraude aux cotisations sociales et préconise de les "intensifier" et les "étendre" à des "pans entiers de prélèvements qui y échappent" encore, selon son rapport annuel publié mercredi.
Arsenal "renforcé" mais "limité". "L'activité de contrôle connaît une forme d'essoufflement préoccupante, dans son intensité qui stagne, dans ses résultats globaux, en demi-teinte, dans ses méthodes et son organisation, insuffisamment modernisées", relève la Cour, qui avait déjà demandé en 2014 leur renforcement. Elle recommande "d'augmenter le nombre et la fréquence des contrôles comptables et des actions de lutte contre le travail illégal menés par les Urssaf et par les caisses de la Mutualité sociale agricole".
Contre les fraudes au travail détaché, "l'arsenal juridique" a été "renforcé" mais reste de "portée limitée", estime la Cour, pour qui la récente révision de la directive européenne pourrait néanmoins "apporter de nouvelles avancées". La cour, qui avait déjà mis l'accent en 2014 sur les nouveaux risques de fraude, appelle aussi à une "vigilance accrue" vis-à-vis du développement "exponentiel de l'économie collaborative sur internet". Le risque de fraude "ne peut plus y être considéré comme négligeable", écrit-elle en s'étonnant que "les organismes sociaux ne bénéficient toujours pas, contrairement aux services de la direction générale des finances publiques, de la transmission automatique par les plateformes des données relatives aux revenus" dégagés.
Vigilance après la suppression du RSI. Parmi les champs qu'elle estime "peu ou pas contrôlés", la Cour des comptes cite notamment les "cotisations de retraite complémentaire des salariés aux régimes Agirc-Arrco" (71,2 milliards en 2016) et le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), dont le calcul est basé sur la masse salariale (salaires et cotisations). En outre, soulignant la "faiblesse" des contrôles visant les travailleurs indépendants, elle explique que la suppression du RSI, leur caisse spécifique, "ne doit pas (...) conduire encore fois à un affaiblissement du contrôle".
Dans sa réponse, le directeur général de l'Acoss (réseau des Urssaf) précise que 20.000 contrôles d'indépendants devaient être réalisés en 2017, après 11.000 en 2016, mais qu'ils resteront à ce niveau "afin de conserver un équilibre entre les différentes activités de contrôle qui s'effectuent à moyens constants". Les cotisations sociales ont représenté 400 milliards d'euros en 2015 et 61,4% du financement de la protection sociale. L'évaluation du montant des cotisations dites "éludées" (fraude et erreurs) oscille, selon les études, entre 6 et 25 milliards d'euros.