Ecornée par six mois de négociations avec les créanciers de la Grèce, la popularité d'Alexis Tsipras décroît. Accusé par une partie de son camp d'avoir cédé aux exigences austéritaires de l'Europe, le Premier ministre grec et son parti Syriza pourraient bien être les grands perdants des élections législatives anticipées, qui se tiennent dimanche.
Le parti de la droite conservatrice, Nouvelle démocratie, et son leader Evangelos Meïmarakis ne cessent de progresser dans les sondages. Toutes les enquêtes les donnent au coude à coude avec Syriza. Quelques-unes donnent même les conservateurs vainqueurs. Paradoxalement, la droite, qui a dirigé le pays de 2004 à 20b09, puis de 2012 à janvier 2015, historiquement partisane de la rigueur budgétaire, se remet ainsi à convaincre les Grecs que les "plus vulnérables" se porteraient mieux avec elle. Et que le parti représente "la stabilité". Explications.
Vangelis Meïmarakis, "l'impulsif". La première raison de ce regain de vitalité tient en la personnalité du leader de la droite, Evangelos Meïmarakis, dit "Vangeslis". Malgré sa grosse moustache et son air débonnaire, il est considéré comme un dur à cuire, symbole de virilité". Il y a quelques années, quand un journaliste l'invitait à "ôter son costume" de président du Parlement pour répondre à une question embarrassante, il n'hésitait pas à proposer, goguenard, de "commencer par le pantalon". Il avait aussi menacé un député s'interrogeant sur son rôle dans des achats de sous-marins de lui "baiser la gueule". Père de deux filles, cet homme de grande taille pense que son style correspond à l'aspiration des Grecs d'avoir des politiciens "normaux". "Je ne vais pas changer, je vais rester impulsif, parce que je crois qu'il faut traiter les problèmes en restant humain", déclarait-il récemment à la chaîne Mega.
Un programme similaire à Syriza… mais un discours musclé. Evangelos Meïmarakis mise beaucoup sur son franc parler. Car niveau programme… il ne propose pas vraiment de rupture avec Alexis Tsipras. Sous ses ordres, Nouvelle démocratie a voté toutes les mesures proposées par les créanciers et négociées par le Premier ministre. "Vangeslis", qui se place lui-même "à la gauche des conservateurs", propose même, s'il est élu, de constituer un gouvernement de coalition avec Syriza.
De rares différences se nichent tout de même dans le programme. Le leader conservateur a fait par exemple comprendre qu'il dirait "non" à une révision des avantages fiscaux des agriculteurs, un vivier d'électeurs pour son parti. Mais surtout, même si les programmes se ressemblent, "Vangeslis" met un point d'honneur à… éviter de le souligner. Car il ne se prive pas de taper sur les choix faits par Alexis Tsipras. Le Premier ministre "a frappé les groupes les plus vulnérables, privés de retraites, de médicaments", a lancé le leader de droite jeudi. Une victoire de la droite garantira "la stabilité et la sécurité" et mettra fin "à la dangereuse expérimentation du Syriza", assène-t-il.
Et il y a la question des migrants. Le leader de droite a récemment durci son discours sur la crise migratoire : "les places athéniennes croulent sous le flux incontrôlé des migrants", car Syriza "n'a pas gardé les frontières", a-t-il accusé, évoquant aussi une "hausse de la criminalité". Mais là encore, le discours est plus musclé que le programme. Car Nouvelle démocratie promet tout de même une prise en charge par l'Etat des réfugiés fuyant la guerre.
Alexis Tsipras a déçu. L'une des principales explications de la montée de la droite reste… La chute de la gauche. Le parti socialiste, jugé responsable de la crise actuel, a quasiment disparu des radars. Et Syriza est en pleine crise. La vague d'enthousiasme et d'espoir qui avait propulsé Tsipras au pouvoir en janvier, sur la promesse d'en finir avec l'austérité et la tutelle des créanciers, est retombée d'un coup. C'était le 13 juillet, lorsqu'il a dû donner son accord à un troisième plan de sauvetage financier de son pays en contrepartie d'une nouvelle liste de réformes et mesures d'économie. D'autant que la semaine précédente, les Grecs avaient rejeté à 62% les recettes d'austérité à l'issue d'un référendum orchestré par Alexis Tsipras lui-même.
Quitte à appliquer l'austérité, de nombreux Grecs semblent donc préférer que cela soit fait par ceux qui l'ont toujours défendue. "On entend beaucoup parler d'espoir, mais je ne sais pas vraiment s'il y en a", soupirait Olga, 30 ans, au chômage depuis un an, présente jeudi à un meeting de Nouvelle démocratie (ND). "Malgré tout, la ND me rassure beaucoup plus que Syriza, c'est un moindre mal". "J'ai voté Syriza en janvier, maintenant je vais voter ND. Je pense que ND est synonyme de stabilité" et "bien sûr, elle doit travailler avec Syriza, on doit être unis", jugeait de son côté Costas, retraité de la Poste, également présent.
Mais il ne faut pas non plus enterrer Alexis Tsipras trop vite. Même au coude à coude, Syriza l'emporte d'une courte tête dans la majorité des sondages. En outre, s'il y a bien un enseignement à tirer des dernières élections... c'est que les sondages ne sont pas fiables en Grèce. Or, rien ne semble devoir abattre la machine politique qu'est Tsipras. Face aux électeurs mercredi, il a expliqué avoir dû céder et signer un pacte financier "très douloureux" par la puissance des "forces asymétriques" contre lesquelles il a dû batailler dans une Europe de droite, justemment. Il affirme avoir choisi de mettre "l'intérêt du peuple grec au-dessus de tout". Surtout, il revendique encore une marge de manœuvre pour mettre en œuvre avec plus d'équité, de justice sociale et d'efficacité, les engagements contractés auprès des bailleurs de fonds, et négocier, dès cet automne, une restructuration de la dette grecque. Il le crie encore : "la lutte continue".