Le 16 janvier 2016, l’Iran est redevenu un pays (presque) comme un autre. L’embargo dont il faisait l’objet a été levé, provoquant l’enthousiasme d’une bonne partie de la population mais aussi du monde des affaires. Car l’Iran représente une opportunité rare que les entreprises françaises comptent bien saisir. Alors que le président iranien Hassan Rohani est attendu mercredi en France, Europe 1 passe en revue les secteurs dans lesquels les firmes françaises ont une carte à jouer.
L’Iran, le nouvel Eldorado. Puissance régionale forte de plus de 78 millions d’habitants, l’Iran a des besoins grandissants, et pour cause : le pays a fait l’objet d’un embargo américain dès 1996, avant que l’Union européenne n’applique à son tour des sanctions en 2012. Depuis des années, le pays tourne donc au ralenti et a besoin de se moderniser. La réouverture de ses frontières mi-janvier est donc très attendue par les Iraniens eux-mêmes, mais aussi par les entreprises qui espèrent y trouver de nouveaux clients après avoir vu leurs exportations chuter.
Or, l’Iran a des moyens : déjà septième producteur mondial de pétrole malgré l’embargo, Téhéran souhaite faire passer sa production de 2,8 millions à 3,3 millions de barils quotidiens. Autre indice des ambitions retrouvées de l’Iran : début janvier, le président Hassan Rohani assurait vouloir atteindre 8% de croissance et estimait que le pays allait avoir "besoin de 30 à 50 milliards de dollars d'investissements étrangers par an". L’Iran est le lieu où faire des affaires cette année. "C’est un pays riche avec du pétrole, du gaz, une population urbaine à 70% et une grande classe moyenne : c’est un marché émergent, il n’y a pas un secteur où il n’y a pas d’opportunités", résume pour Europe 1 Thierry Coville, spécialiste de l’Iran enseignant l’économie à l’école Novancia et chercheur à l’IRIS.
Ces domaines où la France veut briller. La liste des besoins iraniens est longue, très longue. "Les infrastructures sont la priorité des autorités : privées d’un quart de leurs recettes budgétaire à cause de l’embargo, elles ont comprimé le budget des infrastructures, qui sont en mauvais état. Il y a aussi d’énormes besoins dans la gestion de l’eau et la protection de l’environnement, c’est une catastrophe", détaille Thiery Coville. Les géants français du BTP, Vinci, Bouygues et Eiffage, ont donc une carte à jouer, tout comme les spécialistes des réseaux d’eaux et de leur assainissement, Veolia Environnement ou Suez.
"Il y a aussi des aéroports à construire et une flotte en très mauvais état", poursuit le spécialiste de l’Iran, ce qui laisse augurer une bataille commerciale entre Airbus et Boeing pour écouler près de 90 appareils par an. Pour rester dans les transports, le secteur automobile français attendait la levée de l’embargo avec impatience, et pour cause : alors que Renault et surtout Peugeot-Citroën étaient très bien positionnés en Iran, l’embargo a fait chuter leurs exportations. L’Iran va donc redevenir "un marché très prometteur. Il représente plus d'un million de voitures, avec un potentiel de 1,5 à deux millions (par an)", a déclaré le PDG de Renault. La marque au losange et PSA sont donc en train de négocier des alliances avec les constructeurs automobile locaux.
Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation constitue un autre gros morceau. Car l’Iran n’est pas autosuffisant et si un tiers des terres y sont arables, seules 10% exploitées, comme le reconnait la Chambre de commerce franco-iranienne. Ce que confirme Thierry Coville : "c’est un secteur où il y a énormément à faire. Les produits sont très bons mais se pose la question de leur transformation, or, on est forts dans ce secteur". Une opportunité que pourraient saisir Danone ou les grandes coopératives (Invivo, Sodiaal, Tereos, Agrial, Avril), mais aussi une multitude de PME.
Cette liste peut également être complétée par le commerce et la vente de biens de consommation. "Décathlon est en train de s’installer tandis que Carrefour l’a déjà fait et ça marche très bien : le secteur de la distribution est en train de changer avec l’apparition de grandes surfaces et de grands centres commerciaux", illustre Thierry Coville. Un secteur dans lequel la France est également bien outillée avec les champions à l’international que sont Carrefour, Auchan ou encore Casino.
Enfin, la France dispose d’un savoir-faire dans un domaine que l’Iran souhaite développer : le tourisme. Une opportunité que le groupe hôtelier Accord pourrait saisir, mais aussi tous les acteurs de la valorisation du patrimoine et du terroir. Or, avec une civilisation vieille de 4.000 ans, l’Iran a un atout indéniable.
L’atout de la France : des relations de confiance. Par chance, les entreprises françaises partent avec un avantage par rapport à leurs concurrents, notamment américains : "Ce n’est pas un nouveau marché pour les entreprises françaises. Au milieu des années 2000, l’Iran était le premier marché au Moyen-Orient pour les Français, c’est un marché que les entreprises françaises connaissent. Et elles sont appréciées des Iraniens", précise Thierry Coville. Le succès des marques françaises de cosmétique en est notamment l’illustration.
"Les décideurs sont très contents de leurs expériences avec les entreprises françaises, qui jouissent d’une très bonne image. Le Medef a organisé deux voyages l’an dernier, Total s’active : on est présent", poursuit-il. "On a une carte à jouer", résume-t-il, mais à une condition : que la France rééquilibre sa diplomatie entre les deux puissances régionales et concurrentes que sont l'Iran et l’Arabie Saoudite.
Mais une concurrence difficile. Vu les enjeux, les entreprises françaises ne seront pas les seules à vouloir séduire les consommateurs iraniens : de nombreux autres pays se positionnent, pour ne pas dire tous. Il y a d’abord les Etats qui ont profité de l’embargo et du départ des puissances occidentales pour consolider leurs relations avec Téhéran. Les pays asiatiques sont dans ce cas de figure, d’autant qu’ils ont grandement besoin du pétrole iranien : la Corée du Sud, le Japon, l’Inde et surtout la Chine ont renforcé leurs liens pendant la dernière décennie.
Alliée historique de l'Iran, la Russie compte également décrocher de nombreux contrats dans le secteur des énergies (nucléaire, infrastructures pétrolières), des transports ferroviaires ou encore militaire. Dans ce contexte, les autres puissances économiques qui avaient déserté le pays suite à l’embargo vont devoir redoubler d’effort, ce qui confère une légère avance aux entreprises qui avaient fait le pari de rester en Iran, à l’image de Total ou de Seb.