Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Ce matin, Emmanuelle Ducros, on reparle des ordures qui s’entassent à Paris avec la grève des éboueurs, contre la réforme des retraites. Et vous avez décidé de jouer aux devinettes.
Je suis d’humeur taquine. Je vous propose de deviner qui a tenu les propos que je vais citer, à d’un amoncellement d’ordures qui commence à poser des problèmes sanitaires.
“Nous avons pu accéder aux garages dans lesquels sont les camions bennes qui permettent le ramassage des ordures à Paris. Nous avons mobilisé la collecte privée pour nous aider à résorber tout cet existant qui n’est pas tolérable. Je l’ai dit, je ne veux pas que la ville soit dans cet état. D’abord il y a l’image, la question sanitaire, la question de la sécurité également. Je mets en place les moyens de résorber. Les ordures seront ramassées. Maintenant, aujourd’hui, elles sont en train d’être ramassées.”
C'est un discours ferme ! M’enfin c’est facile, il y a beaucoup d’indices, on parle de Paris, C’est Anne Hidalgo ? Ca y est? Elle est d’accord avec la réquisition des éboueurs annoncée par le préfet hier soir ? Tout est bien qui finit bien ?
C’est bien Anne Hidalgo qui parle. Mais il y a un piège ! C’est l’ancienne Anne Hidalgo ; celle de 2016. Qui avait décidé de frapper fort contre les éboueurs en grève contre la loi travail. Mais c’était pas pareil : le président qui soutenait une loi impopulaire qui mettait les syndicats dans la rue, à l’époque, , c’était alors François Hollande. Il n’y avait aucun problème à tordre le bras à ses opposants, à briser la grève en réquisitionnant du matériel et en faisant appel à des prestataires. au nom de la salubrité publique.
Mais le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a téléphoné personnellement à Anne Hidalgo pour l’exhorter à réquisitionner, Il l’a menacée de faire intervenir l’État. Elle n’a pu que comprendre mes arguments de santé publique que posent les ordures dans la capitale
Ah mais non, ce n’est pas pareil ! Ce qui posait des problèmes d’image, qui était préoccupant pour la santé publique et intolérable pour la sécurité en 2016, est devenu un mode d’action totalement respectable en 2023. Il faut lire la lettre qu’elle a adressé au Préfet de police, qui lui intimait d’agir, au nom du ministre de l’Intérieur.
“J’ai conscience explique –t-elle des désagréments causés par la crise actuelle aux habitants, commerçants et visiteurs de la ville. La situation que vous évoquez est entièrement imputable à la volonté du gouvernement de légiférer pour reculer l'âge du départ à la retraite.
La seule réponse susceptible d'apaiser le climat actuel est d'engager le dialogue social plutôt que de livrer une épreuve de force en procédant aux réquisitions que vous appelez de vos vœux.. dès lors je vous informe que je ne donnerai pas suite à votre sollicitation.”
Résumons, là où il y avait “ moyen de moyenner”, comme on dit en 2016, y’a plus moyen du tout en 2023. Cette fois, Anne Hidalgo se drape dans sa dignité. Pas question de jouer les sociales traitres, plein soutien aux grévistes. Elle ajoute “Il est paradoxal que l'État demande aux collectivités territoriales de régler un problème qu'il a lui même créé alors que la réquisition est de droit une compétence de l’État.” Ca s’appelle jouer sur les mots...
Niveau de mauvaise foi magistral.
Oui, et pour deux raisons. Déjà, parce qu’en 2016, on avait trouvé un moyen de nettoyer la ville en contournant ouvertement les grévistes, sans les réquisitionner. Et puis parce que c’est déjà le cas, mais en secret.
Dans la nuit de mardi à mercredi, dans plusieurs arrondissements de la capitale, le 2e, le 16e ou le 17e, on a vu des camions et des personnels de société privées, payés par la mairie, ramasser en douce des tas d’immondices. Ah ben oui, soutien total aux grévistes, mais sans trop fâcher les électeurs quand même. Bref, l’État s’en chargera, la maire de Paris peut continuer à jouer la passionaria des containers. Elle est poubelle la vie ?