Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Un cri d'alarme, celui des propriétaires de forêt françaises. Ils sont victimes de vols de bois de plus en plus fréquents. Et cela alimente des trafics internationaux
L'association des propriétaires de forêts privées en France, Fransylva, alerte - Une association puissante, car elle représente 75% du couvert forestier du pays. Les forêts sont le théâtre d'une nouvelle forme de criminalité massive. Le vol d'arbres, parfois de parcelles entières. Le trafic de bois est très lucratif. Le prix du chêne a doublé ces dernières années, il peut rapporter 10.000 et 30.000 euros à l’hectare. et la France abrite parmi les plus beaux spécimens au monde, ce qui encourage les vols.
Comment est-ce qu'on peu voler des arbres ?
Un arbre, ça ne disparaît pas comme ça, il faut du matériel et de main d'oeuvre... Mais pour un fric frac en forêt, les malfrats sont loins des regards. Et il n'est pas facile, pour un témoin, de savoir si un bucheron agit légalement ou pas. Le vol de bois prend plusieurs formes. Des coupes claires : c'est à dire que des truands sylvestres viennent, et rasent des hectares de forêt d'un coup, en quelques jours, en abimant au passage tout ce qu'il y a autour. Des prélèvements d'arbres spectaculaires. Des escroqueries aussi : de faux forestiers qui achètent à vil prix, à des propriétaires peu informés, de très beaux arbres mais les coupent comme des sagouins.
Le phénomène a pris une telle ampleur que l'association Fransylva vient de lancer un numéro d'appel pour permettre aux propriétaires de signaler les déprédations dont ils sont victimes. Le phénomène est surveillé de près par les ministère de l'Intérieur et de l'écologie.
On sait que le phénomène est en augmentation, mais les pouvoirs publics peinent à le quantifier
Oui, ça paraît fou. Mais pour l'instant, l'association Fransylva collecte des données éparses, et c'est pour ça qu'elle a lancé son numéro, cette semaine. Pour alerter, et pour faire un recensement plus complet. On a quelques aperçus locaux. En Moselle, par exemple, depuis 2017, 40 parcelles forestières ont été ainsi pillées par des augrefins, dont 8 pour la seule année 2024. La plupart du temps, les propriétaires hésitent à porter plainte, parce qu'ils ont honte de s'être fait gruger par de faux forestiers. Ou parce qu'ils ne se sont pas aperçus tout de suite des dégâts. Les dégâts sont d'ailleurs souvent considérables, économiquement, écologiquement, car les sols sont massacrés, tout est arraché sans discernement, y compris de jeunes générations d'arbres, et ça se paie pendant des décennies.
Et que deviennent ces arbres ?
Par définition, on ne le sait pas. Qu'a priori, il est difficile de les écouler en France, car il y a une certaine traçabilité et des filières forestières bien établies, avec des entreprises connues. Mais quelques affaires ont fait l'objet de condamnations, par exemple à Thionville en 2022, ont laissé apparaître des trafics internationaux, vers la Chine, entre autres. La filière espère que rendre ces vols publics va mettre tout le monde en alerte et permettre de démanteler les réseaux qui massacrent à la tronçonneuse.