Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Un coup de vent judiciaire dans l’Hérault : une lourde condamnation pour EDF Renouvelables, dont les éoliennes sont accusées de tuer des oiseaux protégés.
C'est une décision judiciaire inédite sur un sujet hyperconflictuel, celui des éoliennes. Le tribunal correctionnel de Montpellier a ordonné lundi la suspension immédiate pour quatre mois de 31 éoliennes du parc d’Aumelas, dans l’Hérault, qui alimentent l'équivalent de 60 000 foyers. Un pionnier du secteur. Cela s'assortit de lourdes condamnations pénales : 500 000 euros d'amende (dont la moitié avec sursis) pour chacune des 10 sociétés qui exploitent le site, dont EDF Renouvelable. L'ancien PDG de cette entreprise a été personnellement sanctionné : 6 mois de prison avec sursis, 100 000 euros d'amende, dont 30 000 euros avec sursis. Cette décision fait suite à une plainte de l’association France Nature Environnement qui accuse c*es éoliennes d'avoir causé la mort, depuis 2006, de 160 oiseaux protégés, des faucons crécerelle notamment, des buzards cendrés et de chauve-souris rares.
Evidemment, c'est une décision en première instance. Mais elle va être scrutée de près par les juristes, les avocats, les opposants aux éoliennes.
Le principe, en droit français, c'est qu'on ne détruit pas les espèces protégées. Mais dans certains cas, comme celui des éoliennes parce qu'elles sont supposées représenter un intérêt écologique, l'Etat a autorisé malgré tout qu'on déroge à la règle, pour peu qu'on évite au maximum les destruction, qu'on les réduise si elles ont lieu, ou qu'on les compense ( ce qu'on appelle en droit de l'environnement la démarche ERC). La justice pénale, elle, est dit que non, ce n'est pas possible. Et que même les limitations du risque, mises en avant dans les dossiers d'autorisation, ne sont pas suffisantes au regard des dégâts constatés sur la faune locale. Et elle frappe fort, parce qu'elle tient directement pour responsable non l'Etat, mais les exploitants des éoliennes.
Qu'est-ce que cela peut avoir comme conséquence pour le secteur ?
C'est selon un acocat spécialisé que j'ai interviewé hier une " grenade dégoupillée". Pour les projets éoliens, bien sûr. Ils sont déjà contestés en justice dans les trois quarts des cas. Le risque s'alourdit, ça risque d'être dissuasif. D'autant que le risque ne cesse pas avec la mise en fonctionnement, au contraire ! Si la jurisprudence s'écrit, les projets installés pourraient aussi se retrouver dans le viseur, pour peu que des destructions d'animaux protégés soit constatées. Et ça pourrait engendre des condamnations, d'énormes amendes... Et des changements du modèle économique. Un parc d'éolienne gelé quatre mois alors que ça n'était pas prévu, comme dans l'Hérault, ce n'est plus du tout la même rentabilité !
Moralité ?
Les promoteurs de l'éolien ont vendu une énergie 100% écologique, gentille, toute propre. Une solution parfaite. Et ça a permis des entorses au droit, au nom de l'intérêt supérieur de l'écologie et du climat. On se rend compte que c'est bien plus compliqué que ça. Que l'écologie énergétique et climatique peut percuter de plein fouet l'écologie de la biodiversité. Et qu'il faut choisir. Les éoliennes vont peut-être redevenir ce qu'elles ont toujours été : des installations industrielles implantées en milieu naturel, classées comme telles, jugées comme telles. La justice le dit : on peut enfin parler de leur impact sur l'environnement avec raison et arguments, sans être taxé de climatoscepticisme.