Comment le président américain est-il élu ? Qu'est-ce qu'un "grand électeur" et un "caucus" ? Dans le premier épisode du podcast Mister President par Europe 1 Studio sur l'histoire des élections américaines, Olivier Duhamel plante le décor et nous rappelle les principales règles des présidentielles aux Etats-Unis.
Dans son nouveau podcast Mister President par Europe 1 Studio, Olivier Duhamel vous raconte l'incroyable histoire des présidentielles américaines. Mais avant de revenir en détails sur l'élection de Harry Truman en 1948, le politologue vous livre quelques clés indispensables pour mieux comprendre le fonctionnement du processus électoral outre-Atlantique.
Ce podcast est réalisé en partenariat avec l'Institut Montaigne
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Les États-Unis, un des premiers pays au monde à avoir fondé une république moderne un peu démocratique. Le pays qui a inventé et sans cesse réinventé l’élection présidentielle, l’élection de son chef. Ce grand pays où se côtoient de longue date le pire et le meilleur. Depuis longtemps, je suis fasciné par leurs élections présidentielles, les personnages qui s’affrontent, les rebondissements qui se succèdent, et cela tous les quatre ans. Et vous allez voir, c’est passionnant. Passionnant et instructif par les leçons pour d’autres pays, pour la France. Je tenterai de les tirer pour chaque élection et dès le premier épisode, pour l’incroyable élection de 1948. Mais avant d’y venir, voici une brève présentation du cadre, un petit rappel obligé sur les origines et les règles de l’élection présidentielle aux Etats-Unis.
Depuis 1789, un suffrage universel indirect
Depuis la naissance des États-Unis et de leur Constitution, en 1789, le président est élu au suffrage universel indirect. En quoi "indirect" ? En ceci qu’il y a deux élections successives. Dans chacun des États, les électeurs désignent début novembre tous les quatre ans des grands électeurs, lesquels éliront ensuite début janvier le président. Ce scrutin indirect a été établi pour respecter l’autonomie des États, qui n’étaient à l’origine que treize, sur la côte Est, du Massachusetts au nord jusqu’à la Géorgie au sud, en passant par l’État de New York.
Trente-deux présidents ont été élus entre 1789 et 1948, de George Washington, le père de la nation, élu et réélu par moins de 30.000 électeurs, à Franklin Roosevelt, élu quatre fois de suite de 1932 à 1944 avec 23 millions puis plus de 25 millions de voix. Les présidentielles d’avant, de la fin du 18e aux débuts du 20e siècle n’avaient que peu de choses à voir avec les présidentielles modernes : moins d’États concernés, droit de vote longtemps réservé aux mâles blancs, pas ou peu de primaires, pas de débats nationaux, pas de sondages, pas de publicité politique, peu d’argent dépensé, etc, etc…
Revenons maintenant sur le déroulement particulier des présidentielles aux États-Unis : l’élection par des grands électeurs et les deux campagnes. D’abord, il y a ce vote à deux degrés, via des grands électeurs. Pour l’élection présidentielle américaine, la première étape se tient le mardi qui suit le premier lundi de novembre, donc au plus tôt le 2 novembre, au plus tard le 8, avec l’ensemble des électeurs dans chacun des désormais 50 États et dans l’ainsi nommé District of Columbia à savoir la capitale Washington D.C. Puis la seconde étape début janvier par les grands électeurs de chaque État réunis au Congrès. Tout cela fait qu’un candidat peut l’emporter dans le vote populaire... mais être battu par le vote des grands électeurs.
Une hypothèse extrême permet de le comprendre. Si un candidat A l’emporte sur B de justesse dans quelques États peuplés ayant un grand nombre de grands électeurs (par exemple la Californie qui compte 55 grands électeurs) et n'obtient quasi aucune voix dans les peu peuplés, il sera battu pas le suffrage populaire mais élu par les grands électeurs. Ce cas s’est produit trois fois notamment au 19e siècle, en 1824, 1876 et 1888. Voilà une autre façon de l’expliquer : les Parisiens, les Lyonnais ou les Marseillais peuvent le savoir mieux que les autres car c’est un peu comme l’élection du maire à Paris (ou Lyon et Marseille). Il ne faut pas tant avoir le plus de voix au total pour ses listes dans tous les arrondissements que de gagner le plus de conseillers. Bon, si vous n’avez pas compris, ce n’est pas grave, on sera amené à y revenir puisqu'il s’est reproduit en 2000 et en 2016. Inimaginable pour nous Français, accepté par les Américains : les États-Unis sont une fédération. Être accepté par un minimum d’États compte au moins autant qu’être choisi par le peuple.
Une double campagne
Nous n’allons pas reprendre l’histoire des 32 élections de 1789 à 1944, parce que ce serait trop long et surtout parce que les élections présidentielles vraiment modernes, c’est-à-dire utilisant largement des primaires pour choisir les candidats, des sondages pour tester leurs chances, des débats écoutés dans tout le pays, des communicants pour élaborer sa stratégie de campagne, et de plus en plus d’argent pour financer les campagnes, ces présidentielles modernes-là donc ne commencent qu’après la fin de la Seconde guerre mondiale.
Mais revenons sur le déroulé d’une présidentielle : outre l’élection proprement dite en deux étapes, les présidentielles américaines modernes se caractérisent par une double campagne. La première se déroule au sein de chacun des deux partis pour choisir le candidat, au plus exactement le ticket des candidats à la présidence et vice-présidence. Elle prend place les six premiers mois de l’année présidentielle et se clôt pour chacun des deux partis par une "Convention". Ce sont les délégués élus par toute une série de primaires et "caucus" qui tranchent, le résultat étant le plus souvent acquis à l’avance, un candidat ayant obtenu une majorité absolue de délégués. Les "caucus" sont des assemblées de quelques centaines de personnes. Dans chacune, des groupes affiliés à des candidats discutent, puis votent et se regroupent entre ceux qui ont obtenu les meilleurs scores au premier tour. Et quelques heures plus tard, un dernier tour désigne les délégués. Dans les primaires, infiniment plus nombreuses, les électeurs de l’État désignent pas un seul vote leurs délégués, répartis à la proportionnelle. Chaque État américain décide de ses modalités pour choisir ses délégués à la Convention : caucus ou primaire, primaire ouverte à tous ou primaire réservée ceux qui se sont affiliés au parti… Voilà, vous avez les principales clés et pouvez partir à l’aventure, à la découverte de sept décennies de la vie politique américaine.
Des histoires passionnantes et rocambolesques
Pour suivre l’histoire des présidentielles de 1948 à nos jours, nous pourrions les découper par décennie : celle d’avant la télévision, dans les années cinquante, puis les débats télévisés des années 60, suivies de l’ère républicaine des années 70 et 80, ensuite le temps des modérés dans les années 90, avant le grand dérèglement des années 2000 finalement surmonté, et enfin la période ouverte à partir de 2008 dans laquelle tout est possible. Mais même si cette périodisation ne manque pas de pertinence, nous avons choisi de vous proposer plutôt des épisodes plus courts, une douzaine, ce prologue et un par élection ou groupe d’élections.
Pour chaque élection, nous montrerons quelles leçons peuvent en être tirées et qui seront, presque sans exception, un jour où l’autre, confirmées ailleurs, dans d’autres présidentielles, par exemple en France. Leçons de stratégie politique, sur ce qui fait perdre ou gagner, leçons politiques, leçons éthiques aussi, nous verrons qu’elles sont aussi instructives que nombreuses.
En gardant présent à l’esprit ces deux grandes différences : les primaires jouent aux États-Unis un rôle clé dans la sélection des candidats. Et les présidentielles américaines se font au suffrage indirect.
Cela rappelé, les présidentielles américaines méritent de vous passionner pour au moins quatre raisons.
- Parce qu’elles sont remplies d’histoires intéressantes, parfois même rocambolesques.
- Parce qu’elles sont nourries de personnages souvent fascinants, par leur talent ou par leurs gaffes.
- Parce qu’elles nous en apprennent beaucoup sur les États-Unis d’Amérique.
- Et parce qu’est rarement démentie la loi selon laquelle lorsque quelque chose de nouveau arrive outre-Atlantique, cela vient chez nous une ou plusieurs décennies après.
Maintenant, que la fête commence, l’incroyable histoire des présidentielles américaines. Stay tuned ! See you soon !
Mister President" est un podcast d'Olivier Duhamel produit par Europe 1 Studio
Préparation : Capucine Patouillet
Réalisation : Christophe Daviaud (avec Matthieu Blaise)
Cheffe de projet édito : Fannie Rascle
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Mikaël Reichardt
Archives : Patrimoine sonore d'Europe 1
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