L’INFO. Leurs récits, poignants, font froid dans le dos. D’anciens détenus de camps de travail en Corée du Nord témoignent depuis mardi devant une commission d’enquête des Nation unies à Séoul. C’est la première fois que l’ONU se penche de manière officielle sur les droits de l’Homme dans le pays le plus fermé au monde. Les réfugiés entendus livrent des témoignages glaçants, décrivant tortures et exécutions publiques. Entre 150.000 et 200.000 personnes se trouveraient à l’heure actuelle dans les prisons nord-coréennes, selon des estimations indépendantes. Le régime dément tout abus et ne reconnaît pas cette commission. Pyongyang a aussi interdit à une délégation de se rendre au Nord.
Kim Young-soon, pour la faire taire. Jusqu’à ses 34 ans, Young-Soon, danseuse, faisait partie des privilégiés proches du pouvoir. Mais cette Nord-Coréenne aujourd’hui âgée de 77 ans a été envoyée en 1970 dans un camp de travail, où elle a passé neuf ans d’enfer. Son crime ? Avoir eu connaissance d’une liaison entre l’une de ses amies et Kim Jong-il, fils du dirigeant de l’époque et futur leader du pays. C’est pour la faire taire que le régime l’a envoyée, avec ses parents et ses quatre enfants, au camp de prisonniers de Yodok, au nord-est du pays, "l’endroit le plus infernal de la planète" selon elle.
Jamais elle ne se verra notifier de quoi elle est coupable "Ils ont simplement dit : ‘vous devriez être tous morts, mais on vous autorise à vivre grâce à l’immense mansuétude de notre dirigeant’", a-t-elle expliqué devant la commission, décrivant des conditions de vie atroces. Les détenus étaient obligés de travailler sans relâche. Sous-nourris, battus et torturés, ils tombaient comme des mouches. Les parents de Kim Young-Soon meurent au bout d’un an et son fils se noie dans une rivière. Quant à sa fille, elle est placée dans une famille de paysan. Kim Young-Soon ne l’a jamais revue. Son salut, elle le doit à l’intervention, en 1979, d’un haut responsable du régime qui la fait libérer. Ce n’est qu’en 2001 qu’elle parvient à fuir le pays pour se réfugier en Corée du Sud.
> WEB : La Corée du Nord, sa Google Map et ses camps
Shin Dong-hyuk, forcé de dénoncer sa mère. Trentenaire évadé de Corée du Nord en 2005, Shin Dong-hyuk a déjà témoigné plusieurs fois dans les médias. Né dans le Camp 14, c’est là qu’il a passé les 24 premières années de sa vie. L’un de ses premiers souvenirs, quand il avait 5 ans, est d’ailleurs celui d’une exécution publique, rapporte le New York Times. Le trentenaire raconte avoir été obligé plus tard de dénoncer sa mère et son frère pour pouvoir survivre. Avant d’être forcé de regarder leur exécution. Shin Dong-hyuk explique aussi avoir été amputé d’un doigt car il avait laissé tomber une machine à coudre. Le jeune homme ne savait "pas du tout ce qui allait se passer". "Je pensais que toute ma main allait être amputée au niveau du poignet. Alors finalement j’ai été reconnaissant qu’ils ne coupent que mon doigt", a-t-il raconté devant le panel d’experts de la commission, expliquant que les responsables du camp gardaient les prisonniers "comme des bêtes de travail, pour tirer le maximum de nous avant que nous mourrions".
Jee Heon-a, témoin de l’horreur. Lors de son incarcération en 1999, Jee Heon-a, aujourd’hui âgée de 34 ans, découvre l’une des principales sources de nourriture des détenus : des grenouilles séchées. Elle décrit des prisonniers aux yeux "enfoncés", qui "ressemblaient à des animaux". Jee Heon-a souligne aussi que les femmes sont particulièrement maltraitées, certaines subissant des fausses-couches à force d’être battues. L’ex-détenue raconte aussi avoir été témoin du calvaire d’une mère forcée de noyer son bébé. "C’était la première fois que je voyais un nouveau-né, cela me rendait heureuse", indique-t-elle, poursuivant : "mais soudain, il y a eu des bruits de pas, un garde est arrivé et il a ordonné à la mère de noyer le bébé dans une bassine d’eau". Battue, la mère a été contrainte de s’exécuter.