Il est l'un des visages de l'opposition à Poutine. Alexeï Navalny, blogueur et militant anti-corruption, a été inculpé mardi de "détournement à grande échelle", dans un dossier d'"abus de confiance". Il risque dix ans de prison pour ces accusations qui, selon lui, relèvent de la "fable". Pour l'instant, cet orateur virulent a en tout cas interdiction de quitter Moscou et sa région.
L'affaire de "Kirovles", du nom d'une entreprise de bois de Kirov, à 900 km à l'est de Moscou, remonte à 2009. A cette époque, Alexeï Navalny était le conseiller du gouverneur de la région, Nikita Belykh, qui incarnait alors la politique d'ouverture de Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine.
Une affaire classée relancée
Alexeï Navalny aurait encouragé Kirovles à conclure une affaire avec une autre société, ce qui a coûté à la région 16 millions de roubles, soit 400.000 euros. L'affaire, classée par le parquet cette année, vient d'être relancée par le chef du comité d'enquête russe.
Les enquêteurs assurent avoir des preuves de l'implication du blogueur "dans des détournements de biens". "Je n'arrive pas à imaginer comment les enquêteurs vont pouvoir prouver ça, mais ils vont sans doute le prouver", rétorque l'intéressé, pour qui il n'y a "pas de mobile, pas d'enrichissement personnel" et un préjudice "inventé de toutes pièces".
Les USA "très préoccupés"
Réagissant à cette inculpation, les Etats-Unis se sont déclarés "très préoccupés par les poursuites judiciaire politiquement motivées visant l'opposition russe". Car l'inculpation d'Alexeï Navalny est un nouveau signe que Vladimir Poutine, de retour au Kremlin depuis mai, tente de museler encore plus la société civile.
Un procès emblématique vient d'ailleurs de débuter à Moscou, celui des trois chanteuses du groupe de rock Pussy Riots. En février, elles avaient fait irruption dans une église orthodoxe pour chanter une "prière punk". Les trois jeunes femmes, qui encourent jusqu'à sept ans de prison pour "hooliganisme", clament leur innocence et dénoncent une "censure politique", visant à "provoquer un sentiment de peur" dans la population.
Un nouvel arsenal législatif
Après le mouvement de contestation sans précédent qui a suivi l'élection contestée de Vladimir Poutine, le Kremlin a aussi mis en place tout un arsenal législatif réprimant l'opposition. Une nouvelle loi qualifie ainsi d'"agents de l'étranger" et place sous surveillance les ONG financées par l'étranger et dont l'activité est "politique".
Les sénateurs viennent en outre de voter une loi pour réglementer l'activité des sites internet dont les contenus sont interdits par la loi. Et la diffamation va redevenir un délit passible d'amendes, alors qu'elle avait été dépénalisée l'an dernier, quand Dmitri Medvedev était président. Ce dernier avait un temps donné quelques signes de libéralisation de la société russe. Un "dégel" limité, sur lequel Vladimir Poutine semble avoir l'intention de revenir.