Pour le suspense, il faudra repasser. Sauf cataclysme, Vladimir Poutine sera réélu dimanche pour un nouveau mandat de six ans. Son cinquième à la tête de la Fédération de Russie. Néanmoins, trois candidats - Leonid Sloutski, Vladislav Davankov et Nikolaï Kharitonov - ont été autorisés à présenter leur candidature. Ils font partie de l'opposition dite "systémique", la seule tolérée par le régime, dans la mesure où elle ne s'oppose pas frontalement à Vladimir Poutine. Les trois candidats soutiennent sans ambiguïté l'invasion russe en Ukraine et ne se font aucune illusion sur l'issue d'un scrutin qu'ils accepteront sans broncher.
Mais alors à quoi bon se présenter si l'issue du vote ne fait aucun doute ? "Pour les nationalistes, comme pour les populistes, c'est un point de passage obligé pour une représentation électorale. Si vous avez suffisamment de voix aux présidentielles, vous pouvez prétendre à suffisamment de sièges à la Douma. Et qui dit des sièges à la Douma dit des présidences de comité, voire une présidence ou une vice-présidence de la Douma. Donc ces partis-là sont tenus d'être présents pour continuer à vivre politiquement, et le pouvoir n'y voit pas d'inconvénients majeurs", explique selon Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Iris et ancien ambassadeur de France en Russie. Voici donc les trois candidats fantoches qui feront acte de présence au cours de ce scrutin étalé sur trois jours.
Léonid Sloutski
Âgé de 56 ans, le candidat du Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR) se positionne comme un "libéral nationaliste", selon Jean de Gliniasty. Il a succédé, en 2022, à la tête de cette formation politique fondée par Vladimir Jirinovski, "une personnalité haute en couleur, à la voix tonitruante, très populiste et démagogue".
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Léonid Sloutski, qui préside la Commission des Affaires étrangères de la Douma, et qui fut l'ancien président du comité d'amitié franco-russe à la chambre basse, se dit largement favorable à la guerre en Ukraine et fait même allégeance à Vladimir Poutine en lui prédisant une "victoire énorme". "Je ne vais pas appeler à voter contre Poutine. Voter pour Sloutski et voter pour le LDPR, ce n'est absolument pas voter contre Poutine. Je n'enlèverai pas de voix au président de la Russie", a-t-il ajouté. Il est également accusé de harcèlement sexuel par plusieurs journalistes russes. À ce jour, aucune enquête n'a été ouverte.
Nikolaï Kharitonov
Il est le représentant du Parti communiste et a fait campagne sur les thèmes traditionnels de sa formation : nationalisation de l'économie et renforcement de la politique sociale. Il milite également pour des mesures visant à rehausser la natalité en berne du pays. Rien, dans son programme, ne diffère réellement de celui de Vladimir Poutine. Ce vétéran de la vie politique, âgé de 75 ans, avait déjà brigué - sans succès - le Kremlin en 2004 et siège à la Douma depuis 1993. Soutien sans faille de l'offensive russe en Ukraine, il est d'ailleurs sous sanctions européennes, américaines et canadiennes.
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Si le Parti communiste représente malgré tout "une force importante dans le pays", indique Jean de Gliniasty, le score probable de Nikolaï Khraritonov ne devrait pas être de nature à faire vaciller Vladimir Poutine. "Il a même affirmé que Vladimir Poutine était le meilleur candidat", ajoute l'ancien ambassadeur.
Vladislav Davankov
Il est le benjamin de cette élection. Il est aussi celui dont le score devrait être le plus faible. Vice-président de la Douma, après avoir mené une carrière d'homme d'affaires, il n'avait recueilli que 5,4% des voix lors des dernières élections municipales à Moscou. "C'est quelqu'un dont le positionnement politique n'est pas très clair", note Jean de Gliniasty. Des trois candidats, il est celui qui se démarque légèrement de Vladimir Poutine. Sur la guerre en Ukraine, il se montre favorable à un processus de paix, mais uniquement selon les conditions russes.
Il fut également un soutien de Boris Nadejdine, un opposant bien plus frontal à Poutine et hostile à l'invasion russe. Après avoir obtenu le nombre de signatures requis, il avait vu son dossier de candidature rejeté en raison d'"irrégularités". "C'est le genre de candidat un peu flou, susceptible de raboter quelques votes de gauche et d'augmenter le taux de participation", estime Jean de Gliniasty.