Pour tous les fans de Koh-Lanta, la nouvelle a fait l'effet d'une bombe. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le producteur de l'émission, Adventure Line Productions (ALP), et TF1 ont annoncé l'annulation du tournage de la prochaine saison du jeu d'aventure. En cause : une tentative de viol d'un candidat sur une autre candidate, selon les informations d'Europe 1. "Une concurrente a fait état de faits susceptibles de relever d'une agression sexuelle", a précisé vendredi après-midi Alexia Laroche-Joubert, la présidente d'ALP, dans un communiqué. Plusieurs questions restent néanmoins en suspens, tant sur les faits eux-mêmes que sur l'avenir de l'émission.
Que s'est-il passé sur le tournage ?
Les faits se sont déroulés dans les îles Fidji, durant la nuit du 4ème au 5ème jour de tournage de la 19ème saison, censée être diffusée à l'automne prochain. Selon les informations d'Europe 1, une candidate a alors fait l'objet d'une tentative de viol par un autre candidat. D'abord volontairement floue sur cet "évènement", ALP a évoqué dans l'après-midi "des faits susceptibles de relever d'une agression sexuelle". Ceux-ci sont "formellement contestés par le concurrent concerné", précise le communiqué.
LCI, chaîne du groupe TF1, a aussi apporté quelques précisions : la victime présumée serait âgée de 21 ans. Elle dormait seule, hors caméra, quand un autre candidat lui aurait fait subir des attouchements. C'est avec son talkie-walkie d'urgence, destiné à servir en cas de danger, qu'elle aurait joint la production. Toujours selon la chaîne d'informations, une aide psychologique a été mise en place pour l'ensemble des candidats. Les deux protagonistes ont quant à eux été placés dans des hôtels distincts.
La production du jeu et la chaîne tiennent pour le moment à ce que l'identité des deux candidats, qui ont déjà pris un vol retour pour la France, ne soit pas révélée. Même si les faits se sont déroulés dans un pays étranger, la justice française peut tout à fait se saisir du dossier si une plainte est déposée dans les prochains jours.
Dans le droit français, l'agression sexuelle se définit comme une "atteinte sexuelle sans pénétration" commise sur une personne avec violence, contrainte ou menace. Pour que les faits soient qualifiés d'agression sexuelle, il faut en outre qu'il y ait "contact physique" entre l'agresseur et la victime. Par ailleurs, une tentative de viol peut très bien relever d'une agression sexuelle. Il faut pour cela établir la tentative, ou du moins l'intention de pénétration de l'agresseur sur sa victime.
Quelles conséquences pour la chaîne ?
L'annulation de cette future saison est évidemment un coup dur pour TF1, à qui le jeu assure toujours des audiences très confortables. L'épisode du "Combat des héros" diffusé la semaine passée a ainsi attiré plus de 4,8 millions de téléspectateurs, soit 23,2% de part de marché. Au plus fort de son succès, jusqu’à 9,5 millions de téléspectateurs suivaient Koh-Lanta en moyenne. Avant 2012, le programme avait ainsi permis à la chaîne d'engranger entre 25 et 30 millions d'euros bruts de recettes publicitaires par saison, selon Le Figaro, qui rapporte les chiffres de VivaKi Advance. La première chaîne déboursait alors entre 750.000 et 850.000 euros par épisode, glanant 1,4 million d’euros net chaque soir de diffusion.
Le soir de la grande finale, chaque spot publicitaire de 30 secondes est facturé 88.000 euros, rappelle de son côté CNews. Le manque à gagner financier est donc réel pour TF1, qui va maintenant devoir trouver un programme de remplacement pour la fin de l'année.
Une porte-parole du groupe a cependant précisé à l'AFP que cette affaire n'aurait pas d'impact sur la diffusion de la saison en cours, une édition spéciale disputée par d'anciens participants et diffusée le vendredi soir depuis le mois de mars, dont la finale est prévue le 25 mai.
Y a-t-il des précédents ?
Ce n'est pas la première fois que le tournage de l'émission s'arrête brutalement. En mars 2013, Gérald Babin, un candidat âgé de 25 ans, était mort d'un arrêt cardiaque pendant la première journée de tournage au Cambodge. ALP et TF1 avaient aussitôt décidé d'y mettre fin. Une semaine plus tard, le médecin chargé de veiller sur les participants s'était suicidé, estimant avoir été injustement mis en cause et "sali" par les médias. L'autopsie du candidat avait ensuite révélé une maladie cardiaque non décelée. Et Koh-Lanta n'avait repris qu'en 2014, après un an et demi d'interruption.
ALP, filiale du géant de la production audiovisuelle Banijay spécialisée dans les jeux d'aventure (Koh-Lanta, mais aussi Fort Boyard ou La carte aux trésors...), avait également vu son image ternie il y a trois ans par une collision mortelle en Argentine entre deux hélicoptères sur le tournage de Dropped, une nouvelle émission qui devait être elle aussi diffusée sur TF1. Condamnée fin avril pour "faute inexcusable", la société de production devra indemniser la famille d'une des victimes, Brice Guilbert, cameraman. La collision avait coûté la vie à dix personnes, dont trois vedettes du sport (Florence Arthaud, Alexis Vastine et Camille Muffat), et provoqué une vive émotion.
L'affaire actuelle rappelle surtout un autre incident, survenu en 2004 sur le tournage de Survivor, l'équivalent américain de Koh-Lanta, qui a inspiré le jeu. Sue Hawk, l'une des participantes, avait accusé l'un de ses coéquipiers de l'avoir "agressée sexuellement". "J'ai été sexuellement violentée, humiliée, déshumanisée, et je ne peux pas continuer comme ça", avait-elle lâchée à Jeff Probst, le Denis Brogniart local.
L'aventurier, habitué à se promener nu sur le camp, l'aurait en effet touchée avec ses parties génitales, tout en lui lançant : "Tu veux de ça ?". À l'époque, Sue Hawk avait envisagé de porter plainte, avant d'y renoncer. Selon elle, le diffuseur CBS l'avait aidée à "surmonter la situation".