Il est le premier à passer sur le grill. Lundi matin, à partir de 10 heures, Gérard Collomb devra répondre aux questions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire Benalla. Cette dernière ne peut empiéter sur le travail de la justice : le ministre de l'Intérieur ne sera pas interrogé sur les violences commises le 1er mai en marge d'une opération de police, à Paris. L'audition, retransmise en direct à la télévision, portera en revanche sur les aspects politiques de la polémique.
- Depuis quand était-il au courant ?
Selon France Inter, Gérard Collomb a été prévenu des faits dès le lendemain, le 2 mai : Alexandre Benalla, chargé de mission à l'Elysée et en première ligne dans le dispositif de sécurité entourant Emmanuel Macron, avait été filmé en train de frapper et de malmener des manifestants. Ni policier ni gendarme, l'homme portait pourtant un brassard "police" et un casque à visière. Une vidéo le montrant en train de tirer une femme par le cou, puis de frapper un homme à terre, circulait déjà sur les réseaux sociaux.
L'information, confirmée au Monde par le ministère de l'Intérieur, devrait être entérinée par Gérard Collomb, dont l'opposition dénonce les "mensonges" depuis plusieurs jours. Question subsidiaire : qui l'a informé ? La préfecture de police de Paris ? L'Elysée, qui a rapidement été mis au courant ? Un autre canal ? Dans un milieu censé être très hiérarchisé, la question a son importance.
- Pourquoi n'a-t-il pas réagi avant que le scandale n'éclate ?
Lors des questions au gouvernement du Sénat, jeudi, le ministre de l'Intérieur a annoncé avoir saisi la "police des polices" pour faire la lumière sur cette affaire... plus de deux mois après les faits. Comment expliquer ce délai ? Gérard Collomb devra s'en expliquer, face à des députés l'accusant d'avoir "couvert" Alexandre Benalla. "Il a "dissimul(é) (...) cette information à la représentation nationale et à la justice", s'est notamment offusqué Benoît Hamon, fondateur du mouvement Génération.s.
Selon l'article 40 du Code de procédure pénale, le procureur de la République aurait en effet dû être saisi pour ces faits mais aucun membre de l'exécutif ne les a signalés. "Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai" au parquet, dispose pourtant le texte.
- Que faisait vraiment Alexandre Benalla aux côtés des CRS le 1er mai?
D'après Le Monde, l'homme avait demandé et obtenu auprès de sa hiérarchie l'autorisation d'assister à l'opération policière en tant qu'"observateur", afin de voir comment se déroule la gestion d'une grande manifestation. Mais son brassard, son casque, sa radio de police et les violences auxquelles il s'est livré avec Vincent Crase, un salarié de la République en marche, dépassent largement le cadre de cette "observation".
Qui a validé leur présence sur cette manifestation ? La préfecture de police. Mais à quel niveau ? Beauvau était-il au courant ? D'où vient le matériel policier détenu par Alexandre Benalla ? Pourquoi le major de police de la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police, présent sur les lieux des violences, n'est-il pas intervenu pour les empêcher, alors qu'il était ce jour-là le "référent" du jeune homme ? Ces questions devraient être posées à Gérard Collomb.
Les interrogations pourraient déborder sur le rôle d'Alexandre Benalla avant et après la manifestation : plusieurs sources font état de sa présence aux briefings et débriefings du 1er mai, qui s'était soldé par de spectaculaires violences commises par des activistes du "Black bloc". Si ces informations se confirment, en quelle qualité l'homme était-il intégré au dispositif ? Après celle du ministre de l'Intérieur, l'audition du préfet de police Michel Delpuech par la commission, prévue à 14 heures lundi, pourrait également éclairer les députés sur ce point.
- Quel était le rôle précis du "collaborateur" de l'Elysée ?
Plus généralement, les missions précises d'Alexandre Benalla, dont l'ascension fulgurante malgré sa réputation de "cow-boy" fait débat, sont au cœur de la polémique depuis plusieurs jours. Selon plusieurs sources, l'ex-chargé de mission auprès du chef de cabinet de la présidence de la République, qui accompagnait régulièrement Emmanuel Macron sur ses déplacements (y compris après sa mise à pied de 15 jours, au vu de photos de presse), paraissait aussi régenter la sécurité à l'Élysée.
Problème : c'est précisément la mission du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), une structure du Service de la protection (SDLP), dépendant de la Police nationale. Le GSPR est dirigé par un colonel de gendarmerie. Selon des sources policières, syndicales et internes à Beauvau, une réorganisation de la sécurité de l'Elysée était même dans les tuyaux pour fin 2018, avec la création d'une Direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR) composée de trois entités. Alexandre Benalla était pressenti pour occuper une place prépondérante dans ce dispositif directement piloté par la présidence. S'il les confirme, Gérard Collomb devra également expliquer ces tractations devant la représentation nationale.