C’est avec de plus en plus de ferveur que François Bayrou soutient Alain Juppé pour la primaire de la droite. Lors de l’université du MoDem, ce week-end en Bretagne, le président du parti centriste a fait l’éloge de l’ancien Premier ministre, tout en dézinguant son principal rival, Nicolas Sarkozy. Pour le maire de Bordeaux, avoir celui de Pau à ses côtés peut représenter un vrai plus, car malgré un parti qui peine toujours à exister, l’homme politique Bayrou continue à jouir d’une audience et d’une popularité certaine auprès de l’opinion. Pour autant, il présente quelques failles, dans lesquelles les soutiens à Nicolas Sarkozy, et l’ancien président lui-même, n’hésitent bien sûr pas à s’engouffrer.
D’ailleurs, du côté de l’ancien président de la République, on feint une indifférence certaine à l’égard de François Bayrou. "Qu’il fasse ce qu’il veut. Et s’il trouve avec M. Juppé plaisir à travailler ensemble, tant mieux pour eux", a balayé le candidat lui-même lundi matin sur Europe 1. "Ce n’est pas un sujet pour nous", abonde Christian Jacob. D’ailleurs, selon l’entourage du patron des députés Les Républicains à l’Assemblée, le cas Bayrou n’est même pas évoqué lors des réunions stratégiques du staff de Nicolas Sarkozy. "Pour notre candidat, Bayrou, ça ne change rien", tranche l’élu de Seine-et-Marne.
Pourtant, François Bayrou n’est pas quantité négligeable dans le paysage politique français. "Il est structurellement dans le Top 5 des personnalités préférées des Français. Il bénéficie d’une image positive", confirme Emmanuel Rivière, de la TNS Sofres. "C’est toujours bien d’avoir des soutiens de poids. Et dans cette campagne de la primaire, ils ne sont pas si nombreux de ce calibre. Et puis François Bayrou, c’est une sorte de caution morale", poursuit le directeur du pôle opinion de l’institut de sondage. "Il apparaît toujours, à tort ou à raison, comme hors-système. Il s’est battu contre les médias, contre les partis. Et en ce moment, on sait qu’il y a dans l’opinion un appétit à voir les choses changer. En clair, François Bayrou, pour Alain Juppé, c’est un brevet d’honnêteté et de courage", conclut-il. Sur l’image donc, que du positif.
Mais les soutiens de Nicolas Sarkozy ont un autre angle d’attaque : rappeler à l’envi qu’en 2012, François Bayrou avait appelé à voter pour François Hollande à l’élection présidentielle. "Ma conviction, c’est qu’il faut changer de politique radicalement. Si vous avez comme principal allié celui qui a aidé François Hollande à arriver au pouvoir, est-ce que vous pouvez changer de politique ? Non", a affirmé Nicolas Sarkozy sur Europe 1. Pour Christian Jacob, le président du MoDem a même carrément "un marquage très à gauche. Bayrou ne prend pas un électeur à droite, c’est un épouvantail pour eux. Plus il amène des gens de gauche, plus il en fait fuir à droite. Il peut même affaiblir Juppé."
Même s’il va sans doute un peu loin, Christian Jacob n’a pas tout à fait tort. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien datant de vendredi, François Bayrou recueille une bonne opinion chez 54% des sympathisants de gauche, contre seulement 39% des sympathisants de ceux de droite. "C’est vrai qu’il ne plaît pas à la droite de la droite, que certains lui reprochent la défaite en 2012, mais ceux-là sont de toute façon déjà des électeurs de Nicolas Sarkozy", tempère Emmanuel Rivière. "D’une certaine manière, en soutenant Alain Juppé, François Bayrou clarifie le clivage qui est en train de se construire, entre deux droites, l’une tournée vers le centre, l’autre tournée vers l’aile très à droite. A ce titre, François Bayrou n’est certainement pas un handicap pour Alain Juppé", analyse le sondeur.
91% des centristes pour Juppé ? Les sondages confirment ce clivage. Selon une étude BVA parue dimanche dans le JDD, les deux principaux favoris de la primaire agrègent des publics bien différents. Au second tour, Nicolas Sarkozy recueillerait ainsi 58% des votes des sympathisants Les Républicains. Mais il finirait par s’incliner avec 44% des suffrages contre 56% à Alain Juppé. Qui, lui, bénéficierait de… 91% des votes des sympathisants centristes. Et ça, forcément, François Bayrou n’y est pas pour rien.