Un salarié qui occupe son poste depuis moins de trois mois peut-il s’octroyer deux semaines de pause ? Pour les membres du gouvernement, qui officient depuis la mi-mai pour la majorité d’entre eux, la réponse est partagée. Au téléphone, leurs entourages contactés par Europe1 assurent pour la plupart qu’ils s’éclipseront "quelques jours" lors de la période établie cette année par Matignon et révélée par Paris-Match, à savoir du 10, au lendemain du dernier Conseil des ministres, jusqu'au 24 août.
L’escapade sur une île déserte lointaine est d’ores et déjà à exclure : un document interne au gouvernement que s’est procuré Europe 1 impose des consignes strictes aux 29 ministres et secrétaires d’État. "Les ministres qui souhaitent s’absenter durant cette période devront choisir une destination leur permettant de pouvoir rejoindre rapidement leur ministère", mentionne la lettre. Une consigne qui était déjà de rigueur dans les dernières années du quinquennat de François Hollande. De plus, ceux qui partent doivent fournir à Emmanuel Macron et Édouard Philippe leurs dates de congés, leur adresse et leurs coordonnées téléphoniques et électroniques. Concrètement, le chef de l’État et son Premier ministre veulent garder un œil sur l’ensemble de l’exécutif, même au cœur de l’été.
Une équipe sur le pied de guerre
Un message reçu 5 sur 5 par les membres du gouvernement : aucun ne quittera la France et tous assurent qu’ils resteront joignables sur leur lieu de villégiature. "Les vacances à Bali ce sera pour plus tard !", sourit Christophe Castaner. "On ne peut pas être coupé du monde", résume l’entourage d’un ministre régalien, qui pourra être contacté "24 heures sur 24". Parmi les dispositions les plus prisées, la Corse figure en bonne place : pas moins de quatre ministres y passeront quelques jours dans le creux du mois d’août, prêts à rentrer en urgence à Paris. C’est le cas, par exemple, de Nicolas Hulot, sur le qui-vive en raison des conditions météorologiques qui pourraient occasionner sécheresses ou pollutions.
LIRE AUSSI >>> Où les ministres partiront-ils en vacances ?
La majeure partie de l’équipe gouvernementale va pourtant passer la plus grande partie de la période estivale dans la capitale, derrière leurs bureaux, pour plancher sur des chantiers importants. Exemple avec Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, pour qui la période estivale va rimer avec les États généraux de l’Agriculture, qui s’ouvrent le 20 juillet avec une déclaration d’Emmanuel Macron. Pas de vacances pour le ministre, au milieu des conférences et des négociations entre syndicats et distributeurs ? "Il fait déjà des allers-retours dans la Manche, mais il va prendre très peu de jours", assure l’entourage de celui qui était député normand de 2012 à son entrée au gouvernement.
Quelques-uns ont enfin des dossiers "trop urgents" pour s’octroyer une pause. Il en est ainsi de Laura Flessel, dont le cabinet veut montrer qu’elle passera son mois d’août à défendre la candidature de Paris 2024. "Elle ne va pas tellement prendre de vacances, elle travaille à temps plein. Elle n'aura pas trop le temps de se reposer avant la décision, rendue à Lima le 13 septembre", explique son entourage.
Ce qu’ils nous préparent pour la rentrée
Les membres du gouvernement avaient été priés, mi-juin, de remettre à Edouard Philippe une feuille de route, soumise à validation du président et du chef de gouvernement, détaillant les priorités de leur ministère. Les copies seront rendues à partir du 24 juillet, mais pour certains, le programme estival est déjà tout tracé. Ainsi Christophe Castaner, en tant que secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, va passer une large partie de son été au chevet de la première séquence législative du quinquennat. "Mes priorités seront celles du gouvernement cet été. Je vais accompagner la feuille de route définie par le président et le Premier ministre sur les réformes". En clair, il pourrait avoir à désamorcer certaines crispations parlementaires sur la loi de confiance dans la vie publique et la réforme du code du Travail mais aussi, comme porte-parole du gouvernement, en assurer le service après-vente auprès des médias.
"Jean-Michel Blanquer va lui-aussi passer un été studieux avec très peu de jours de vacances, mais les quelques jours qu'il prendra seront passés en famille", détaille l’entourage du ministre, qui prépare de son côté sa première rentrée à l’Éducation nationale. "C'est toujours un moment important dans ce ministère, la préparation se fait assez tôt, dès le mois d'août", explique une membre du cabinet. "Il y aura une conférence de rentrée le 29. Ça demande beaucoup de travail aux équipes". D'autant plus que le ministre souhaite que cette année que les établissements puissent être en mesure "de proposer une semaine de révision avant la rentrée scolaire pour les élèves qui souhaitent se remettre en jambe, surtout en CM2". Enfin, les mesures annoncées en juin – le dédoublement des classes de CP en REP +, l’internalisation des devoirs au collège et l’assouplissement des rythmes scolaires, "demandent encore du travail quant à leur déploiement et mise en place".
Sur la table de travail de Nicolas Hulot, au moins quatre dossiers à potasser pour cet été, explique un membre de son entourage. "Il y aura un gros sujet avec la question de l’eau. Nous sommes face à l’une des plus grosses sécheresses depuis 1976. Une communication est prévue le 9 août en Conseil des ministres sur nos capacités à gérer ce type de crise. D’ici là, les propositions que nous allons faire sont encore en cours de préparation". Outre des interventions pour les Etats généraux de l’alimentation et la préparation de la semaine de l’air en septembre, le ministre va également se pencher sur la question de la précarité énergétique. "Il prépare un plan d’action sur le logement qui pourrait être intégré aux discussions sur la loi de Finance. L’objectif est d’aider les ménages modestes à engager la rénovation énergétique de leur habitation", détaille-t-on au ministère.
Les vacances du président
Quant à Emmanuel Macron, il devrait s’éclipser quelques jours à la résidence de La Lanterne, à Versailles, lors des vacances gouvernementales. Ce pavillon de chasse, autrefois réservé au Premier ministre, est désormais à la jouissance du président de la République depuis Nicolas Sarkozy. "Nous n'en n'avons pas parlé mais je le soupçonne de ne pas vouloir en prendre beaucoup, voire pas du tout", souffle un ministre à Europe1.fr. “On travaille au corps Brigitte pour qu’Emmanuel accepte de prendre des vacances”, abonde un conseiller auprès de Paris-Match.
LIRE AUSSI >>> L'été studieux du gouvernement, une affaire de communication