C’est une petite musique qui résonne de plus en plus fortement dans le landernau politique. Des électeurs socialistes ne cachent plus leur intention d’aller voter à la primaire de la droite, avec comme objectif de faire barrage à Nicolas Sarkozy. Leur calcul : voter pour Alain Juppé, le seul qui semble en mesure de battre l'ex-chef de l'Etat lors de la primaire de la droite organisée les 20 et 27 novembre. Pour ceux-là, de deux choses l’une : soit ils font un mauvais calcul politique, soit ils considèrent que la partie est déjà perdue et que le prochain président de la République sera forcément de droite.
Il y a en tout cas bel et bien un élan actuellement. "Dans nos enquêtes, 16% des personnes qui se disent tout à fait certaines d’aller voter à la primaire sont des sympathisants de gauche. C’est un niveau très surprenant", assure Frédéric Dabi, directeur du département opinion, de l’Ifop. Et ça profite largement à Alain Juppé. Au deuxième tour, 82% iraient voter pour le maire de Bordeaux, contre 18% pour l’ancien président.
Une erreur de jugement. Ceux qui croient encore à une victoire en 2017 de François Hollande, à condition qu'il se porte candidat bien entendu, et iraient voter Alain Juppé en novembre prochain feraient une erreur de jugement. Car face au maire de Bordeaux, l’actuel président de la République, à en croire les sondages, n’a tout simplement aucune chance. Selon un sondage Ipsos pour Le Monde publié lundi, l’actuel président recueille 12,5% d’intention de vote, contre 34% au maire de Bordeaux. Un rattrapage, même en sept mois, est difficilement imaginable. Si le candidat Les Républicains était Nicolas Sarkozy, François Hollande recueillerait cette fois 13% des suffrages, ce qui n’est certes pas beaucoup mieux, mais son prédécesseur plafonnerait à 22%. Un écart là encore conséquent, mais pas définitif.
A la limite, les électeurs qui croient encore à la victoire de François Hollande en 2017 auraient donc tout intérêt à voter à la primaire de la droite pour… Nicolas Sarkozy. "Autant vous le dire tout de suite, ce comportement électoral sera ultra-minoritaire", sourit Frédéric Dabi.
Fatalisme. Et puis il y a ceux qui vont voter pour Alain Juppé, persuadés que François Hollande ou tout autre candidat socialiste n’a aucune chance d’être au second tour. "Chez ces électeurs, il reste un traumatisme du 21 avril 2002 (quand Lionel Jospin avait été éliminé dès le premier tour au profit de Jean-Marie Le Pen,ndlr)", explique Frédéric Dabi. "Ils se disent : ‘on nous a obligés à voter pour Jacques Chirac, on ne veut pas se voir imposer un second tour Le Pen-Sarkozy’". "Parmi les sympathisants de gauche qui vont voter à la primaire, beaucoup ont intériorisé le fait que François Hollande avait déjà perdu", poursuit le sondeur. Et pour un électeur de gauche, il sera indéniablement plus douloureux de glisser un bulletin Sarkozy dans l’urne pour faire barrage à Marine Le Pen, qu’un bulletin au nom d’Alain Juppé, beaucoup plus modéré. Pas un mauvais calcul donc, mais un fatalisme qui n’augure rien de bon pour François Hollande.