Mesures du gouvernement face aux "gilets jaunes" : trop peu et trop tard pour l'opposition, des "mesurettes" selon certains manifestants

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avec AFP , modifié à
"Gilets jaunes" et oppositions ont réagi mardi au moratoire de six mois sur la hausse de la taxe sur les carburants annoncé mardi par Édouard Philippe. Certains manifestants estiment qu'il s'agit de "mesurettes". 

Trop peu et trop tard. Les oppositions de droite et de gauche ont réclamé mardi davantage que la suspension des taxes sur les carburants et de la hausse des prix de l'énergie annoncée par le Premier ministre face à la crise des "gilets jaunes". Certains manifestants ont également regretté que le gouvernement ne se contente que de "mesurettes".

 

Les oppositions insatisfaites

"Un moratoire, ce n'est pas suffisant". "Il faut un geste d'apaisement. Un moratoire, ce n'est pas suffisant. S'il s'agit juste de retarder les augmentations, ce n'est pas à la hauteur. Il faut l'annulation des hausses de taxes", a estimé mardi le président de LR Laurent Wauquiez devant les députés. "C'est trop peu, et trop tard, les Français attendent des mesures de pouvoir d'achat définitives (alors que) là on est sur une suspension des taxes", a abondé le vice-président des Républicains Damien Abad sur BFMTV, réclamant de nouveau la "suppression pure et simple de la taxe sur les carburants", une révision de " la politique de hausse de la CSG" et "des gestes sur les salaires".

"Je crains que cela ne calme pas la colère". La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a critiqué un Premier ministre "en mode Jeanne du Barry : 'Encore un moment, Monsieur le bourreau'!" "Six mois" de suspension, "sûrement un hasard si ça nous porte juste quelques jours après les élections", a-t-elle ironisé dans un tweet. "Je crains que cela ne calme pas la colère (...) et croyez-moi je ne m'en réjouis pas (...). Personne ne peut se réjouir de ce chaos mais on est obligé de constater qu'il est de la responsabilité du gouvernement", a déclaré la dirigeante du RN dans les couloirs de l'Assemblée nationale.

"Pas de manœuvre ! Pas d'entourloupe !". "Le Premier ministre Édouard Philippe recule devant les gilets jaunes... mais reporte tout après les élections européennes", a aussi fustigé le député La France insoumise Alexis Corbière : "Pas de manœuvre ! Pas d'entourloupe ! Aucune réponse à la vie chère, aucune fiscalité plus juste, aucune réponse sur nouvelles institutions", a-t-il dénoncé. "Zéro pointé" à la "copie blanche" du gouvernement : "rien pour améliorer les fins de mois, rien sur le SMIC, rien sur les pensions, rien sur l'ISF", a abondé le chef de file du PCF pour les européennes, Ian Brossat.

"Ce que nous demandons, c'est la justice fiscale". Au PS, le premier secrétaire Olivier Faure a accusé le gouvernement de vouloir "enfermer le débat dans une fausse alternative : écologie ou pouvoir d'achat, services publics ou impôts". "Ce que nous demandons, c'est la justice fiscale, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, une discussion salariale", ajoute-t-il.

Certains "gilets jaunes" dénoncent des "mesurettes" 

"Six mois, c'est rien". Les annonces d'Édouard Philippe mardi ne sont que des "mesurettes", ont dénoncé des "gilets jaunes", qui assurent que "les actions vont continuer". "Le pouvoir essaie de nous endormir. Six mois, c'est rien. Ils font ça pour qu'on lève le camp et rentre chez nous mais on ne va pas bouger. On veut la démission de Macron et tout son gouvernement", affirme Lionel Rambeaux, un soudeur de 41 ans, sur un barrage au Mans. "Ce sont des mesurettes. On attendait autre chose que des mesures symboliques pour faire baisser d'un palier la colère", soupire à ses côtés Marc Beaulaton, 59 ans, retraité d'EDF. Ce moratoire "n'est pas suffisant", a expliqué Benjamin Cauchy, figure des "gilets jaunes" en Haute-Garonne.

"C'est une première étape (...) mais les Français ". Après trois semaines de blocages et de manifestations violentes, "c'est une première étape", a-t-il salué. "C'est la preuve que lorsqu'il y a de la volonté politique, on peut écouter le peuple. Maintenant les Français ne veulent pas des miettes, ils veulent la baguette au complet". Il réclame "l'annulation des taxes sur le carburant". Et met en avant d'autres revendications du mouvement : "des États généraux de la fiscalité, de façon à remettre à plat les impôts en France" et "une revalorisation des salaires, des pensions d'invalidité et des retraites".

"Ce n'est pas du tout ce qu'on attendait". "Ce n'est pas du tout ce qu'on attendait", a regretté par ailleurs Éric Drouet, l'un des membres historiques les plus connus des "gilets jaunes", appelant à une "revalorisation du Smic et au retour de l'ISF". Ce chauffeur routier de Melun appelle à "retourner à Paris" samedi, "près des lieux de pouvoirs, les Champs-Élysées, l'Arc de Triomphe, Concorde". "Les gens sont de plus en plus motivés, ils s'organisent, nous serons encore plus nombreux", prédit-il.

La CFDT salue le geste du gouvernement, FO insiste sur les salaires

La CFDT s'est félicitée mardi de l'ouverture du dialogue. "Cette décision, visant à renouer le dialogue, ne doit en aucune façon remettre en cause le cap de la nécessaire transition écologique", a toutefois précisé le syndicat dans un communiqué. "Ce n'est pas de moins de transition écologique dont le pays a besoin mais de davantage de justice sociale".

FO de son côté "réaffirme la nécessité d'une augmentation générale des salaires et du pouvoir d'achat et sa revendication de l'ouverture de négociations en ce sens". "A ce sujet, FO constate que le gouvernement ne semble pas bouger sur le Smic (...) et demeure insatisfaite également de la revalorisation du point d'indice dans la Fonction publique".

Dans un communiqué, l'Unsa constate que  les mesures pratiques et immédiates touchant le pouvoir d'achat qu'elle réclamait figurent bien dans les annonces du gouvernement. Elle regrette toutefois que rien n'ait été annoncé sur "sur les loyers ni les salaires". "Il s'agit néanmoins d'un premier geste concret, quoique tardif. Sera-t-il suffisant pour que le dialogue s'engage ? L'Unsa le souhaite car, au-delà de l'immédiateté, l'indispensable mise à plat de la fiscalité comme des conditions sociales de la transition écologique nécessite un minimum de temps", ajoute le syndicat.