Une jeune femme atteinte de ménopause précoce, qui n'aurait pas pu bénéficier d'une PMA classique, a réussi à donner naissance à des jumeaux à grâce une technique de maturation en laboratoire de ses derniers ovules, ont révélé mercredi ses médecins.
Une première mondiale pour un tel cas
"La mère ainsi que les bébés, des garçons nés en décembre 2018 à Paris sont en parfaite santé", indiqué le Pr Michaël Grynberg, chef du service de médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l'hôpital francilien Antoine Béclère (AP-HP).
"C'est la première naissance au monde obtenue avec cette technique dans cette indication pour préserver la fertilité", relève le Dr Christophe Sifer, responsable du laboratoire de biologie de la reproduction à l'hôpital Jean-Verdier (AP-HP) en région parisienne.
Une ménopause précoce due à une maladie
Sa ménopause précoce a été diagnostiquée alors qu'elle avait 37 ans. Cette insuffisance ovarienne débutante avec arrêt des règles est due dans son cas à une maladie auto-immune. "Mais nous nous sommes aperçus à l'échographie qu'il lui restait quelques ovules immatures", relate le Pr Grynberg.
"Là où d'autres auraient dit il n'y a rien à faire", son équipe et celle du Dr Sifer ont proposé de recourir à la technique de maturation d'ovocytes in vitro (MIV) pour préserver les capacités de reproduction de la patiente qui avait un projet d'avoir un deuxième enfant.
Une maturation in vitro des derniers ovules
Cette technique a consisté en un prélèvement d'ovocytes immatures par ponction ovarienne à travers le vagin, sous contrôle de l'échographie, sans aucune stimulation hormonale préalable. Le prélèvement s'est fait sous anesthésie locale. Les ovocytes ont ensuite été portés à maturation au laboratoire pendant 24 à 48 heures à l'aide notamment d'hormones et de facteurs de croissance, indique le biologiste.
Un certain nombre d'entre eux a pu atteindre la maturité et être fécondés en vue d'une vitrification embryonnaire. La vitrification est une méthode de congélation ultrarapide qui permet une meilleure survie des embryons une fois décongelés. La patiente a ensuite reçu des hormones pour préparer son utérus et le rendre compatible avec l'implantation des embryons.
Une technique applicable dans d'autres contextes
Une technique utilisable pour d'autres pathologies très particulières : d'autres grossesses sont actuellement suivies au centre PMA/AMP (assistance médicale à la procréation) de l'hôpital Jean-Verdier, dans un contexte similaire (maladie d'Adisson, pathologie rare dite de la résistance à une hormone, la FSH...) . Mais cette technique, la MIV, donne de moins bons résultats qu'avec l'utilisation d'une stimulation hormonale, et reste donc un recours "quand on n'a pas le choix", renchérit le Pr Grynberg.
La méthode est par ailleurs déjà utilisée surtout pour des cancers, essentiellement des cancers du sein, soit parce que la nature de la tumeur constitue une contre-indication à la stimulation hormonale, soit par manque de temps (chimiothérapie d'urgence).
En France, "quelques milliers de femmes, entre 3.000 et 5.000 pourraient en bénéficier, dont beaucoup atteintes de cancer", estime-t-il. Dans le monde 6.000 enfants sont nés grâce à la MIV dont 200 en France, selon le Pr Grynberg. La première naissance remontant à 1993 aux Etats-Unis, ajoute-t-il.