Le dénouement approche : dans la nuit de mercredi à jeudi, l'Assemblée nationale a adopté pour la troisième fois le projet de loi bioéthique et sa mesure phare de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, malgré la vive opposition d'élus de droite.
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Les députés ont soutenu le texte par 84 voix contre 43 et 3 abstentions. Le Sénat, hostile aux principales mesures du projet de loi, va l'examiner une ultime fois le 24 juin, avant de laisser le dernier mot à l'Assemblée le 29 juin.
Des couples de femmes pourront "s'inscrire dans des parcours PMA dès la rentrée", a promis le ministre de la santé Olivier Véran, alors que les associations LGBT et de familles monoparentales ont régulièrement protesté contre le retard pris par la loi, probablement la seule grande réforme de société du quinquennat. Lancé à l'automne 2019, son examen a été heurté par la crise du Covid et freiné par les divergences entre sénateurs et députés.
De nombreux amendements de suppression
Au Palais Bourbon, la majorité s'est employée à restaurer les principales mesures du texte, à commencer par la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, remboursée par la Sécurité sociale.
Les plus opposés à la loi, comme les LR Anne-Laure Blin, Xavier Breton ou Patrick Hetzel, ainsi que la non inscrite et proche du RN Emmanuelle Ménard n'ont pas désarmé, en multipliant les amendements de suppression. A l'instar de la Manif pour tous, ils ont dénoncé "la disparition du père" et un "glissement inéluctable" vers la gestation pour autrui (GPA, par mère porteuse), malgré les assurances du gouvernement sur son hostilité à la GPA, "ligne rouge infranchissable".
Des débats souvent similaires à ceux des précédentes lectures ont eu lieu. "Les énergies s’essoufflent un petit peu" à force de "ressasser", a convenu le socialiste Gérard Leseul, co-rapporteur.
La PMA post-mortem rejetée
Les députés ont à nouveau rejeté la procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem, avec les gamètes d'un conjoint décédé, ou l'ouverture de la PMA aux hommes transgenres.
Même rejet du don d'ovocytes dans un couple de femmes (technique dite de la ROPA), que certains à gauche et chez LREM soutenaient pour permettre "de lier les deux femmes à l'enfant à naître". Quand la droite et l'UDI fustigeaient une "illusion de double maternité" et une entorse "à des principes éthiques importants".
Une réforme de la filiation et de l'accès aux origines
Outre l'ouverture de la PMA, le projet gouvernemental prévoit une délicate réforme de la filiation et de l'accès aux origines. A leur majorité, des enfants nés de PMA auront accès à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques, etc.) du donneur et, s'ils le souhaitent, à son identité. A l'avenir, un donneur de sperme devra obligatoirement accepter que son identité puisse un jour être révélée à l'enfant né de ce don.
Le texte aborde nombre de sujets complexes comme l'autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il a également donné lieu à un âpre débat sur la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger, sujet très sensible.
Vifs débats sur les enfants nés de GPA à l'étranger
Les députés ont opté pour un dispositif plus contraignant que la jurisprudence de la Cour de Cassation, au grand dam des associations LGBT et de certains élus, à gauche ou dans la majorité. Le projet de loi prévoit que la reconnaissance de la filiation d'une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger soit "appréciée au regard de la loi française".
Les LREM voudraient corréler la mesure à une proposition de loi de la députée Monique Limon, permettant au parent non biologique de faire reconnaître sa filiation via l'adoption. Les LR comme Annie Genevard ont accusé le gouvernement de "ne rien faire" contre la GPA, "une pratique ignoble".
"Le gouvernement est contre la GPA, mais vous ne pouvez pas interdire des couples d'y avoir recours" à l'étranger, rétorque le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Et "il faut un contrôle", quand les "enfants arrivent. Ce contrôle, la Cour de Cassation a dit 'on ne l'exerce pas'. Moi je dis qu'il est indispensable" pour éviter "le vide et la pénalisation des enfants", a-t-il martelé.