Un constat et des préconisations. Les députées Aurore Bergé (LREM) et Béatrice Descamps (UDI), désignées pour mettre à jour les préconisations d'une mission menée en 2014, ont présenté mercredi un rapport au ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer. Dans ce document, elles montrent que les relations entre parents et professeurs sont devenues plus complexes ces dernières années.
Une défiance. Car malgré certaines avancées - la communication facilitée entre parents et enseignants grâce aux nouvelles technologies (des SMS pour signifier l'absence d'un professeur, des échanges de mails en direct par exemple), et l'inscription dans la loi depuis 2013 du concept de "coéducation" devant favoriser les liens entre l'école et les parents - les parlementaires constatent une défiance des parents envers les enseignants. "Ce n'est pas une défiance généralisée, les parents accordent de l'importance à l'institution mais ils ne sont pas 'bilingue éducation nationale', ils ne savent pas toujours ce que les enseignants attendent d'eux", constate Aurore Bergé, jointe par Europe 1. "A l'inverse, les enseignants ne sont pas formés à communiquer avec les parents".
Les tensions sont donc fréquentes. "On voit des parents contester les notes de leurs enfants ou les punitions", constate Florence Delammoy, secrétaire générale de la SNPDEN, le syndicat des personnels de direction, en charge de la communication, contactée par Europe 1. "D'autres familles ont totalement renoncé à venir à l'école. Il faut les rassurer et rétablir un lien de confiance".
Car renforcer ce lien est "essentiel à la réussite des enfants", note la parlementaire. "Les parents les plus impliqués dans l'école favorisent la réussite scolaire de leur enfant. Un enfant qui a confiance dans ce qu'on lui apprend va être dans une position d'apprentissage plus favorable", confirme Florence Delammoy.
Mieux former les professeurs. Pour réchauffer les relations entre parents et profs, les députées ont formulé plusieurs suggestions. La priorité : mieux former les enseignants à la relation aux parents, grâce à des cours théoriques lors de leurs études mais aussi grâce à des stages pratiques. "Aujourd'hui, la place de ces enseignements spécifiques reste très modeste et variable selon les centres de formation," souligne Aurore Bergé.
Les professeurs pourraient également être formés à la sociologie du quartier dans lequel se trouve leur collège ou leur lycée. "Lorsqu'ils démarrent, les jeunes professeurs sont souvent affectés dans des quartiers difficiles. Or ils n'en sont plus originaires et ils vivent de moins en moins où ils enseignent", précise-t-elle. De quoi ajouter à l'incompréhension mutuelle. "C'est à ce moment là que la formation est la plus importante", nous confirme Samuel Cywie, porte-parole de la PEEP, fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (marquée à droite). Il se dit plutôt enthousiaste. "C'est quelque chose qui est demandé depuis longtemps et qui serait intéressant".
La secrétaire générale chargée de la communication du syndicat des personnels de direction est du même avis : "Communiquer avec les parents n'est pas inné or cela fait partie intégrante du travail des enseignants", pointe-t-elle.
Faire venir ou revenir les parents à l'école. Autre piste évoquée : faire venir les familles à l'école et notamment les parents "empêchés", ceux les plus éloignés de l'institution. "Les enseignants se plaignent souvent de "trop voir" les parents qu’ils n’ont pas besoin de voir (les parents d’enfants qui n’ont pas de difficulté à suivre en classe) et pas assez ceux qu’ils aimeraient voir davantage, surtout au collège ", précise le rapport. "Or certains parents aimeraient s'impliquer davantage mais ne le font pas par méconnaissance ou parce qu'ils se sentent illégitimes", souligne Aurore Bergé. Pour ramener les parents les moins à l'aise avec l'institution vers l'école, le rapport préconise de mettre en place des rencontres informelles organisées par des parents ou par des responsables associatifs. "On pourrait s'appuyer sur des jeunes en service civique pour être des médiateurs, des facilitateurs", ajoute la députée LREM. "Aujourd'hui, l'école est dans une logique de convocation des parents, il faut passer dans une logique d'invitation particulière", insiste-t-elle.
Généraliser la rencontre parents-profs-élèves au moment de l'inscription est un autre moyen de créer un lien direct avec les parents, selon le rapport. "Cela va dans le bon sens", pour Samuel Cywie, de la PEEP. "C'est quelque chose qui est fait dans les écoles privées et qui fonctionne bien. Les parents se sentent considérés. Surtout, ils ne poussent pas la porte de l'école qu'en cas de problème."
Tirer les parents d'élèves au sort. Une partie des délégués des parents d'élèves bientôt tirées au sort ? C'est l'une des autres préconisations du rapport. Les deux députées sont parties du constat que les associations de parents d'élèves étaient peu représentatives. Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Education, les familles sont de moins en moins nombreuses à participer à l'élection des représentants de parents d'élèves. 21,87 % des parents du secondaire ont par exemple voté en 2016-2017 pour élire leur représentants contre 30,75 % en 2000-2001.
"Le tirage au sort permettrait à certaines familles d'être représentées, je pense aux familles monoparentales par exemple", précise Aurore Bergé qui assure que cela est tout à fait conciliable avec un emploi du temps professionnel. "Car il n'y a qu'un conseil de classe par trimestre", précise-t-elle, ajoutant qu'il s'agirait toutefois d'une "expérimentation".
Du côté de la PEEP, la proposition étonne. "Je voudrais bien comprendre d'où vient cette idée", commente Samuel Cywie. "Cela ne peut pas marcher si ça devient une punition. On ne peut pas être délégué par défaut, il faut le vouloir d'autant que l'on a une charge importante de travail. C'est un non sens".
Mieux informer les parents. Autre piste du rapport : mieux informer les parents d'élèves. Cela passe notamment par le développement d'applications mobiles pour faciliter la communication et par la mise en place d'outils permettant aux enseignants d'utiliser un vocabulaire compris par tous et moins jargonneux. "Beaucoup de ces propositions ont déjà été évoquées dans le passé", ajoute Samuel Cywie. D'autant que pour l'heure, il ne s'agit que de préconisations. Rien n'a été validé par le ministre Jean-Michel Blanquer, assure-t-on au ministère de l'Education. "Il est en train de prendre connaissances de ces propositions".