"Du jour au lendemain, on sera à la rue" : pendant l'été, les expulsions locatives explosent
Selon les associations d'aide au logement, les expulsions locatives sont plus nombreuses pendant l'été. Une situation difficile à vivre pour les familles, et difficile à régler pour les pouvoirs publics.
C'est un phénomène qui inquiète les associations d'aide au logement en plein cœur de l'été : selon elles, le nombre d'expulsions locatives est en forte augmentation. La trêve hivernale est terminée depuis déjà quatre mois, mais c'est maintenant que les familles redoutent une intervention des forces de police pour évacuer leur logement. Europe 1 fait le point sur cette situation très délicate.
Les associations fonctionnent au ralenti
Comment expliquer que l'été soit davantage une période pendant laquelle les expulsions se multiplient ? Certes, les services de l'État fonctionnent au ralenti pendant les vacances, mais les associations comme Droit au logement ou la Fondation Abbé Pierre sont elles aussi moins disponibles pour aider les familles en période estivale. Surtout, les conditions pour expulser sont plus propices aux expulsions : les enfants ne vont plus à l'école et les enseignants font aussi moins pression pour empêcher les expulsions.
Bref, les plateformes téléphoniques d'aide sont en ce moment saturées de coups de fil de familles paniquées. C'est notamment le cas de la famille de Mana, rencontrée par Europe 1 dans le 19e arrondissement de Paris. Sa famille attend désespérément un logement social parce que leur propriétaire veut vendre son 16 mètres carrés. Mana, son mari et ses deux enfants avaient jusqu'au 3 juillet dernier pour vider les lieux. "Du jour au lendemain, on sera à la rue avec deux enfants", s'inquiète cette mère de famille. "On a nulle part où partir, c'est pour ça qu'on est encore là. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas partir, pourquoi on resterait avec deux enfants dans un appartement de 16 mètres carrés ? On ne nous a rien proposé."
" On est tout le temps stressés, parce qu'on ne sait pas comment ça va se terminer "
Il y a deux mois, les policiers ont essayé de les expulser, en vain. "Moi et mon mari, on l'a très mal vécu. Ma petite fille était là, et depuis, elle est stressée, elle ne dort pas bien. Elle a eu un choc émotionnel. On est tout le temps stressés, parce qu'on ne sait pas comment ça va se terminer."
Cette famille est pourtant éligible au Droit à l'hébergement opposable. L'État est donc sensé lui trouver un hébergement avant de l'expulser, mais cette situation dure depuis maintenant trois ans. Selon la préfecture d'Île-de-France, il y a encore au moins 800 candidatures prioritaires et en souffrance devant cette famille.
Jusqu'à cinq ans d'attente pour un logement stable
Pour éviter la rue, Mana, son mari et ses enfants pourraient devoir se retrouver à l'hôtel ou dans un centre d'hébergement d'urgence, d'ici quelques jours. Là encore, les places sont rares et les familles restent parfois jusqu'à cinq ans entassées dans des chambres avant de retrouver un logement.
Que peuvent faire les pouvoirs publics pour corriger la situation ? "Il y deux solutions", affirme Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris chargé du logement et porte-parole du PCF. "D'abord, aider ces familles à trouver des solutions provisoires. Ce qu'on a fait à Paris, c'est permettre à des familles de vivre dans du logement privé, subventionné par la Ville", poursuit l'élu.
Le logement social, un modèle pérenne ?
"Deuxièmement, c'est de produire massivement du logement social", poursuit le responsable politique. "La Ville de Paris consacre 500 millions d'euros à produire du logement social. Nous en produisons environ 7.000 par an. Mais il est évident que ce n'est pas suffisant parce qu'il y a trop de familles comme elle. On aurait aussi besoin que l'État mette plus d'argent."
Faut-il pour autant parler d'un essoufflement du modèle du logement social ? Pas vraiment, selon Ian Brossat : "Le logement social pourrait être un modèle pérenne à condition d'en produire suffisamment et de ne pas être dans cette situation de tension dans laquelle on est aujourd'hui."