Hausse des agressions contre les enseignants : "Il faudrait nous défendre d'avantage", demande une directrice à Jean-Michel Blanquer

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Invitée jeudi d'Europe 1, Sophie, une directrice d'école maternelle du Pas-de-Calais, a raconté l'agression dont elle avait été victime en 2017 de la part d'un parent d'élève. 
TÉMOIGNAGE

Le suicide de Christine Renon, directrice de maternelle à Pantin, a remis en lumière le malaise du monde enseignant face au manque de moyens, mais également à la hausse des violences les visant directement, de la part d'élèves voire de leurs parents. Des violences qui ont également touché Sophie, elle aussi directrice d'une école maternelle dans le Pas-de-Calais, agressée par le père d'un élève, agacé par les remontrances de la fonctionnaire concernant ses nombreux retards. Au micro d'Europe 1, elle revient sur cet épisode traumatisant et appelle le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer à "défendre d'avantage" les enseignants. 

Les faits remontent à 2017. "Le père, dont le fils faisait sa première rentrée en maternelle, arrivait systématiquement en retard", raconte Sophie. Les premières fois, la directrice, en raison d'un manque de personnel dans l'établissement, vient elle-même ouvrir la grille au père retardataire, "en lui expliquant les horaires de l'école et que je ne pouvais pas laisser les élèves sans surveillance". Après un nouveau retard, elle décide de convoquer le père de famille dans son bureau "pour lui rappeler le règlement intérieur de l'école qu'il avait signé", et lui signifie qu'elle n'ira désormais plus lui ouvrir lors des prochains retards. 

Le fils de son agresseur est toujours scolarisé dans sa classe

Sauf que quelques semaines plus tard, le père et son fils ratent une nouvelle fois l'entrée des élèves. Et malgré le refus de Sophie de lui ouvrir, loin de renoncer, le père sonne pendant 45 minutes. Finalement contrainte d'ouvrir la porte pour accueillir un événement prévu par la municipalité, Sophie fait appel à la police municipale "pour sécuriser les lieux", face à la colère du père, qu'elle décrit "dans un état de rage". 

Malgré la gravité des faits, l'homme n'a été condamné qu'il y a quinze jours. Après plusieurs médiations pénales qui n'ont pas abouti en 2018, l'affaire s'est poursuivie au tribunal correctionnel de Béthune, et le procureur a demandé "réparation civile avec dommage et intérêts et cinq mois de prison ferme", raconte la directrice. Et en 2019, Sophie continue d'accueillir, dans sa propre classe, le fils de son agresseur. 

L'enseignante a du organiser elle-même sa défense 

Face à cette situation, Sophie attend des actions fortes de la part du ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, alors que selon la Fédération des autonomes de solidarité laïque (FAS), les agressions contre les enseignants ont augmenté de 7% entre 2017 et 2018. "Il faudrait nous défendre d'avantage quand il y a des agressions. Qu'on ne doive pas faire appel nous-même aux syndicats des écoles, et qu'il mette en place directement des avocats pour nous défendre". 

Car après l'incident, Sophie a eu du mal à organiser sa défense. Après avoir informé l'inspecteur, elle a elle-même du contacter le syndicat SNE, qui lui a attribué un avocat. Et, encore aujourd'hui, cette directrice confie la difficulté d'exercer son activité : "c'est compliqué, mais on a pas le choix", témoigne-t-elle.