C’est l’une de ses promesses phares de campagne : Emmanuel Macron veut mettre en place des classes à 12 élèves en CP et CE1, dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcée (REP+). Quelque 2.000 classes seront concernées dès la rentrée prochaine, ce qui nécessitera le recrutement de "plus de 2.200 enseignants", dixit le ministère de l’Education nationale. Pour trouver le personnel nécessaire, Emmanuel Macron avait précisé, durant la campagne présidentielle, vouloir redéployer les enseignants affectés au dispositif "Plus de maîtres que de classes", qui permet depuis 2013 l’intervention de deux instituteurs dans une même classe.
Cette mesure, qui aurait signifié la fin de ce dispositif, a suscité une levée de bouclier chez une partie des syndicats et des professeurs des écoles. Jean-Michel Blanquer, le nouveau ministre de l’Education, dit "avoir entendu ces craintes" et indique désormais vouloir se laisser "le temps d'évaluer ce dispositif". "C'est ce qu'on va faire pour en tirer progressivement les conséquences", a-t-il annoncé, lundi sur BFM-TV. Mais en quoi consiste exactement ce dispositif mis en place en 2013 par Vincent Peillon ? Pourquoi les enseignants y tiennent-ils tant ?
Des "maîtres supplémentaires" dans les REP
Le dispositif "Plus de maîtres que de classes" a vu le jour en 2013, issu de la "loi pour la Refondation de l’école". Concrètement, au sein de l’Education national, un nouveau poste a été créé : celui de "Maître supplémentaire". Il s’agit en quelque sorte d’un poste d’instituteur "volant", dont le but est d’intervenir en complément d’un autre instituteur dans différentes classes d’une même école. En 2016, 3.196 postes de "maîtres supplémentaires" ont ainsi été créés.
Ces derniers ont été répartis dans diverses académies, dans des écoles primaires situées dans un réseau d'éducation prioritaire renforcée (REP+), là où les élèves rencontrent le plus de difficultés scolaires. Si c’est le ministère qui décide de l’affectation du poste, c’est à l’école de définir précisément les contours de sa mission. Dans la plupart des cas, un seul "maître supplémentaire" est affecté pour une seule école. Il intervient alors dans chaque classe à hauteur de quelques heures par semaine, principalement en CP et en CE1, avec d’autres professeurs pour approfondir certains fondamentaux.
Lors de ces cours à deux instituteurs, plusieurs schémas existent. L’instituteur principal peut par exemple donner un cours général tandis que le "supplémentaire" passe dans les rangs pour répondre à des demandes individuelles. Parfois, c’est l’inverse qui se produit. Et d’autres fois encore, les deux enseignants se répartissent chacun un petit groupe d’élèves, qu’ils s’échangent ensuite avant de débriefer ensemble.
Les enseignants plébiscitent le dispositif
Selon un sondage du SNUipp-FSU, principal syndicat des enseignants du primaire, 85% des instituteurs soutiennent ce dispositif. "Les élèves progressent plus facilement, on peut travailler les fondamentaux, cela facilite l’encadrement, l’ambiance est meilleure", assure Antony, qui travaille avec un "maitre supplémentaire" dans une école de Béziers. "L’enseignante est plus expérimentée que moi et j’apprends beaucoup. Il y a un vrai lien dans l’équipe pédagogique. On est moins isolé dans sa classe", poursuit l’enseignant, contacté par Europe 1.
"D’après les premiers résultats recueillis grâce aux évaluations organisées dans certains départements, la mise en place du dispositif semble avoir un effet sur le travail collectif et sur les représentations des enseignants concernant l’acte d’enseigner", confirmait, en janvier 2017, une note du "Comité national de suivi", composé d'enseignants, de conseillers pédagogiques, de chercheurs et de cadres de l'Education nationale partis faire un point d’étape sur le terrain.
" Plus les élèves en difficulté ont de contacts avec ces assistants, moins ils reçoivent d’attention de leur enseignant "
"La professionnalité et la pratiques pédagogiques des enseignants évoluent du fait des nombreux échanges pédagogiques et didactiques requis par leur travail commun. Dans le même temps, le suivi et la formation qui accompagnent le dispositif permettent aux enseignants d’accéder à la compréhension des difficultés que les élèves rencontrent", poursuit le comité, qui ne nie pas certains "risques", comme la constitution de groupes d’élèves de différents niveaux (les bons avec l’instituteur référent, les mauvais avec le supplémentaire par exemple), la mésentente entre les enseignants ou le fait qu’un même enseignant supplémentaire doive se déplacer dans plusieurs écoles.
Une évaluation attendue l’an prochain
Les rares études réalisées à l’étranger montrent que l’introduction d’un second enseignant dans les classes ne s’est jamais traduite pas une hausse systématique du niveau des élèves. En Grande-Bretagne, par exemple, des assistants d’enseignants ont été introduits en primaire en 2011. Résultats : "plus les élèves en difficulté ont de contacts avec ces assistants d’enseignement qui les prennent en charge, moins ils reçoivent d’attention de la part de leur enseignant. Les élèves tendent à être séparés du curriculum principal de la classe et de leur enseignant. Les assistants d’enseignement sont souvent devenus les principaux référents de ces élèves", constate le comité de suivi du dispositif qui rapporte l’étude.
En France, où ce sont de véritables professeurs et non des "assistants" qui officient, une évaluation plus complète est attendue d’ici la fin 2017. Ce qui sera scruté notamment : le niveau de progression des élèves d’une classe à l’autre. Le comité de suivi, sur la base de ses premières enquêtes de terrain, se dit optimiste. "Les élèves gagnent en confiance et, grâce aux interactions plus fréquentes avec les enseignants, peuvent mobiliser des compétences indispensables à la régulation de leurs situations d’apprentissage", assure la note de janvier dernier.
Confiant, le précédent exécutif promettait d’assurer dès 2017 la présence d’un "maître supplémentaire" dans toutes les écoles situées en REP. Et d’étendre ensuite le dispositif à toutes les "écoles repérées localement comme relevant de besoins similaires, notamment les écoles isolées sur des territoires fragilisés", dixit le comité de suivi. Lundi, le nouveau ministre de l’Education nationale a promis "de ne pas abimer le dispositif". Mais il n’a pas promis de l’étendre non plus.