"Lâchez nos utérus ! Nos ventres ne sont pas la variable d'ajustement de votre réforme des retraites", a lancé ce jeudi la députée Europe Écologie Les-Verts Sandrine Rousseau dans l'Assemblée nationale, en plein débat sur la réforme des retraites. En cause : le dépôt d'un amendement par les députés Républicains pour "baisser le taux de contribution sociale généralisée sur les revenus d'activités des mères de famille" en fonction du nombre d'enfants à charge.
Alors qu'il y a eu 723.000 naissances en 2022, soit le taux le plus faible depuis 1946, la question de la natalité revient dans le débat politique, principalement dans le cadre de la réforme des retraites. Invité du Grand Rendez-vous d'Europe 1/Cnews/Les Echos en janvier dernier, le ministre chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, avait assuré que "soutenir la natalité n'est pas du tout un tabou" pour l'exécutif. Même son de cloche du côté du patron du Modem, François Bayrou, inquiet que "la France ne se pose pas cette question", ou encore du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, qui souhaite la mise en place "d'incitations à la natalité".
La natalité, seule solution pour sauver les retraites ?
L'argument démographique est l'un des principaux leviers portés par la majorité pour expliquer le recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Or, moins de naissances aujourd'hui signifie moins de cotisants à l'horizon 2040. Selon les chiffres du Conseil d'orientation des retraites (COR), alors qu'il y avait deux cotisants pour un retraité en 2000, et 1,7 cotisant pour un retraité aujourd'hui, il n'y en aurait plus qu'1,4 d'ici à 2050.
Vient aussi l'argument de l'augmentation de l'espérance de vie. Une idée qui doit tout de même être nuancée car "les gains d'espérance de vie sont beaucoup moins rapides aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a quelques années et rien ne nous dit que cela va continuer à augmenter indéfiniment", rappelle Didier Breton, professeur de démographie à l’Université de Strasbourg et chercheur associé à l’Institut national d'études démographiques (Ined).
Aussi, le système de retraite par répartition fonctionne principalement sur un équilibre entre les générations. Pour que celui fonctionne parfaitement, il faudrait "une pyramide des âges droite sur toutes les générations, avec à peu près le même nombre de naissances et des taux d'activité constants. C'est beaucoup plus simple de piloter un système de retraites dans ces conditions-là que s'il y a des creux", souligne le démographe.
Or, en regardant la pyramide des âges publiée par l'Insee, on constate des creux, autrement dit, des périodes de quelques années avec une baisse de naissances. "Mais depuis une dizaine d'années, on a un creux qui se dessine" et qui semble durer plus longtemps que les précédents. Pour le chercheur associé à l'Ined, si la question de la natalité revient dans le débat public, c'est "parce que les gens voient bien que cette baisse de naissances, donc de cotisants dans 10-15 ans, détermine aussi la survie de notre système de répartition, toutes choses égales par ailleurs. Car rien n'interdit aux politiques de prendre des décisions pour changer ce système, comme revoir les assiettes de cotisations ou augmenter certaines participations en ponctionnant sur les salaires."
Crédit : Insee.fr
"Si la démographie reste stable, c'est beaucoup plus simple pour les politiques"
Mais si la natalité est l'argument retenu par plusieurs partis politiques pour rééquilibrer le système de retraites par répartition, peut-on inciter les Français à avoir des enfants ? C'est le rôle de la politique familiale et en France, pendant longtemps, "le coût en temps et en argent en lien avec la petite enfance était vraiment faible par rapport à ce qu'on observait ailleurs", notamment grâce à des aides financières ou un système éducatif, qui "créait un climat qui faisait que si les gens avaient envie d'avoir des enfants, ils avaient une facilité", reprend Didier Breton. S'il est difficile de savoir exactement pourquoi le nombre de naissances chute en France, pour le démographe, cela pourrait être lié à la période "d'incertitudes" que nous traversons. "Certes, il y a les questions climatiques et économiques, mais aussi de baisse de confiance dans le système d'éducation ou de santé. Si les gens ont un peu moins confiance, ils se disent que fatalement, il va falloir anticiper plus, et la question de faire des enfants ou d'en faire moins que voulu va se poser."
Une baisse des naissances depuis dix ans "impossible à compenser", "ce qui n'est pas forcément grave, mais qui force le politique à imaginer de nouvelles choses, alors que si la démographie reste stable, c'est beaucoup plus simple et il n'y a rien à changer".