Chaque matin, Etienne Lefebvre décrypte l'une des actualités économiques marquantes du jour.
Jean-Paul Delevoye a dévoilé hier son plan de réforme pour les retraites. Est-ce vraiment le big bang annoncé ?
Alors oui, c’est vraiment une réforme en profondeur, et pas un énième replâtrage. Si le gouvernement va au bout, on aura un régime unique -contre 42 aujourd’hui- et des droits largement harmonisés : âge de départ, taux de cotisation, avantages familiaux, réversions, etc. etc. Exit la règle des 25 meilleures années pour calculer la retraite dans le privé et des 6 derniers mois dans le public. Toute la carrière comptera. Autre exemple : aujourd’hui vous avez beaucoup de fonctionnaires qui peuvent partir dès 57 ans, pour les deux-tiers d’entre eux, cela ne sera plus possible. Ne seront plus concernés que les policiers et les pompiers, métiers jugés « dangereux », et les contrôleurs aériens, ça on comprend moins bien. Pour les autres, par exemple les aides-soignants, ce sera les mêmes règles que dans le privé. Alors tout cela prendra du temps, une vingtaine d’années, mais oui c’est un big bang.
Sauf que les opposants disent : tout ça c’est de l’habillage. Le vrai but, c’est de porter l’âge de la retraite à 64 ans…
Ce n’est pas le but, c’est le moyen de réussir la réforme. Je m’explique : si on ne fait rien, les pensions vont baisser dans les trente prochaines années. C’est mécanique parce que les droits que vous accumulez chaque année sont indexés sur l’inflation. Donc ils progressent moins vite que les salaires. Avec la réforme, ils seront indexés sur les salaires, ce qui garantit un niveau élevé des retraites. Mais pour financer ça, et pour harmoniser les droits plutôt vers le haut que vers le bas, il faut inciter à travailler plus longtemps. Et sans tarder.
Mais alors pourquoi le gouvernement a-t-il exclu toute mesure d’économie en 2020 ?
C’est un geste politique vis-à-vis de la CFDT. Sur un chantier aussi explosif, c’est habile. Et puis de toute façon, il aurait été difficile de changer les règles au dernier moment pour les gens qui préparent leur retraite. Mais les chiffres sont têtus : il manque 10 milliards d’euros à l’horizon 2025. Pour que le régime universel naisse à l’équilibre, il faut qu’à cette date, l’âge du taux plein soit fixé à 64 ans. Ça signifie que vous pourrez toujours partir avant, mais avec un malus. Seulement pour arriver à 64 ans en 2025, on ne peut pas traîner. Quand Nicolas Sarkozy a relevé l’âge légal de départ de 60 à 62 ans, ça s’est fait sur cinq ans. Faites le calcul, cela veut dire de nouvelles décotes dès 2021. Emmanuel Macron va devoir refaire sa pédagogie du « travailler plus » assez rapidement.