Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mardi, il s'intéresse à la méthode du journaliste Ladislas de Hoyos pour confondre Klaus Barbie en Bolivie.
Tous les jours, Bruno Donnet décortique la mécanique médiatique. Ce matin, au lendemain de la célébration de Jean Moulin, il a eu envie de nous raconter l’histoire d’un des plus jolis coups du journalisme et de la télévision.
Hier, Emmanuel Macron s’est déplacé à la prison de Montluc, pour y rendre hommage à l’un des grands héros de la résistance : « Jean Moulin et six de se compagnons étaient arrêtés et incarcérés à Montluc. »
Il a rappelé que c’est à cet endroit que Jean Moulin a été torturé, jusqu’à la mort, par les officiers de la Gestapo et, dans son discours, le président de la république n’a pas manqué de citer un nom : « Chaque jour, les séances de torture infligées par Klaus Barbie se faisaient plus violentes. »
Le nom de Klaus Barbie qui fût donc le bourreau de Jean Moulin mais également celui de plusieurs milliers de résistants et de déportés, juifs, pendant l’occupation.
Alors en entendant parler de Klaus Barbie, hier, Bruno Donnet a eu envie de raconter l’histoire absolument magnifique qui a permis son arrestation.
Car c’est la ruse et l’opiniâtreté d’un journaliste de la télévision française, Ladislas de Hoyos, qui ont permis de confondre Klaus Barbie.
Après la guerre, Klaus Barbie s’est enfuit en Amérique du Sud. Après un court passage par le Pérou, il a finalement trouvé refuge en Bolivie, à La Paz, où il a vécu planqué, pendant plus de 20 ans, sous une fausse identité, celle d’un certain Klaus Altman.
Seulement voilà, en 1972, une folle rumeur court les rédactions parisiennes : Altman et Barbie ne serait en fait qu’un seul et même homme et Barbie se trouverait donc en Bolivie.
Au terme de longues négociations avec les autorités du pays, le journaliste Ladislas de Hoyos parvient à décrocher un entretien avec Klauss Altman. Pourquoi ? Et bien parce que la Bolivie souhaite tordre le cou à cette persistante rumeur.
Les conditions de l’entretien sont draconiennes : le journaliste ne dispose que de quelques minutes, il doit soumettre ses questions, préalablement, au ministère de l’intérieur et s’exprimer exclusivement en espagnol.
Ladislas de Hoyos s’exécute et Monsieur Klaus lui explique donc, droit dans les yeux, ce qui lui tient à cœur de dire aux téléspectateurs français : « Je ne suis pas Barbie. Je vous l’ai dit, je suis Klaus Altman. »
Je ne suis pas Barbie. Je vous l’ai dit, je suis Klaus Altman.
Toutefois, prenant son courage à deux mains, Ladislas de Hoyos va contrarier le plan bolivien. Il va désobéir aux consignes. Et poser à Klaus Altman, une petite question en français : « N’êtes-vous jamais allé à Lyon ? »
Et là, celui qui est sensé n’avoir jamais mis les pieds en France et ne pas comprendre un traitre mot de notre langue, va soudain lui répondre, du tac au tac : « Je ne suis jamais allé à Lyon. »
Je ne suis jamais allé à Lyon ! Aïe.
Voyant le climat se tendre autour de lui et les autorités boliviennes s’assombrir, Ladislas de Hoyos va alors détendre l’atmosphère en faisant répéter à Klaus Altman, d’autres phrases, très à son avantage en français : « Je ne suis pas un assassin. Je ne suis pas un assassin. Je n’ai jamais torturé. Je n’ai jamais torturé. »
Mais le meilleur est à venir. Car Ladislas de Hoyos a en fait fomenté un stratagème, absolument diabolique.
Il a emporté avec lui des photos. Des clichés de Jean Moulin. Il va alors les sortir de sa poche, les tendre à Altman et lui demander de s’en saisir.
Altman s’exécute, il prend les photos à pleines mains, affirme qu’il n’a jamais vu Jean Moulin et rend ses images au journaliste.
Seulement voilà, en touchant ces photos, Altman vient d’y déposer ses empreintes digitales !
Le piège de Ladislas de Hoyos a parfaitement fonctionné et s’est refermé sur le bout des doigts de Klaus.
A son retour en France, le journaliste fera analyser les empreintes par un labo qui conclura qu’Altman et Barbie ne sont en fait qu’un seul et même homme.
Le journalisme, cher Philippe, est aussi une affaire de doigté.