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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce lundi, il revient sur les mauvais pronostics de certains journalistes économiques concernant la possible dégradation de la note française par l'agence de notation Standard and Poor’s.

Tous les jours, Bruno Donnet scrute la fabrique médiatique. Ce matin, il a choisi de pointer son télescope sur une passion journalistique : le pronostic.

Les journalistes sont des gens pressés d’avoir toujours un petit temps d’avance sur l’actualité, voilà pourquoi ils se livrent, très régulièrement, à l’art complexe du pronostic. Toutefois, non contents de faire des plans sur la comète, les journalistes le font avec un goût très amusant pour le pessimisme.

Samedi, une information à caractère économique est tombée.

Elle concernait la note que l’agence Standard and Poor’s venait tout juste d’attribuer à la France. L’information était très attendue et voici comment, sur France 3, Sophie Le Saint l’a présentée : « Le soulagement pour le gouvernement, la France conserve son double A. »

Elle a commencé par évoquer « le soulagement » : « L’agence de notation américaine Standard and Poor’s qui évalue l’économie du pays a souligné les efforts de Paris. »

Alors pour quelles raisons, la présentatrice du 19/20 a-t-elle parlé de « soulagement » ?

Tout simplement parce que dans les 48 heures qui ont précédé l’information, les journalistes se sont adonnés à leur passion favorite : le pronostic !

Et qu’avaient-ils donc vu dans leur boule de cristal ? « Il est probable que la note soit abaissée d’un cran. »

Ils avaient vu, collectivement, une très probable dégradation de la note française. France Inter a expliqué, vendredi, à ses auditeurs ce que cet abaissement allait inéluctablement provoquer, dans son journal de 7 heures : « Alors expliquez-nous ce que la baisse pourrait changer ? »

Et 50 minutes plus tard, le chroniqueur économique de la station, un fin limier, en a remis une petite louche : « Alors est-ce que ce soir il y a un risque ? Oui, il est assez élevé. »

Dominique Seux, parfaitement dans la tonalité de sa station qui avait manifestement convenu d’une ligne. Une ligne éditoriale, résumée par une jolie formule, pour bien nous flanquer les chocottes : « Bref, le scénario noir ! »

Voilà, « le scénario noir » qui n’a donc pas eu lieu.

Toutefois, c’était rigoureusement la même musique absolument partout.

Sur RTL par exemple, le chef du service économique, Martial You, avait étudié de près, les critères de notations utilisés par Standard and Poor’s et parce qu’il a du pif, il en était convaincu : « Et on sent bien quand on regarde ces critères-là qu’on va avoir quand même beaucoup de mal à échapper à une dégradation de Standard and Poor’s, vendredi soir. »

Mais alors dans la grande galaxie des pronostiqueurs de génie, uun chouchou, qui s’appelle François Lenglet. Il chronique, lui aussi, l’économie sur RTL. Et vendredi matin, comme tout le monde, il était absolument catégorique : « Oui, l’agence américaine Standard and Poor’s devrait abaisser la note de la France ce soir. »

D’ailleurs, il avait même une explication, toute simple, à fournir pour expliquer cet inévitable abaissement de notre note : « Bon, à cause de la dette, de la persistance d’un lourd déficit, déficit généré par une dépense publique débordante. » 

C’est la faute à la dépense publique qui déborde.

Mais non content de causer dans le poste, à la radio, François Lenglet intervient également à la télévision, sur TF1, le dimanche soir.

Hier, il devait donc nous dire un mot de cette satanée note qui n’a pas bougé d’un iota, contrairement à ce qu’il avait pronostiqué : « Vendredi, l’agence de notation Standard and Poor’s a maintenu notre double A. »

Et alors là mes amis, admirez le coup de génie, François Lenglet a réussi à faire le même papier que si, comme il l’avait prédit, notre note avait été dégradé ! Et comment ? Et bien grâce à sa botte secrète : les dépenses publiques qui débordent : « C’est vrai, regardez cette courbe. Voilà 50 ans que nos dépenses publiques progressent inexorablement ! »

Et oui, la note de la France n’a pas baissé, mais qu’importe, François le malin n’a pas changé une ligne de son papier : « Il faudrait réformer l’état. Simplifier. »

Pourquoi ? Et bien, d’abord, parce que les journalistes préfèrent toujours voir le verre à moitié vide, plutôt qu’à moitié plein. C’est plus vendeur ! Et puis, aussi, parce que François s’était préparé une chute totalement millésimée : « Demander aux hauts fonctionnaires de réformer l’administration, c’est comme confier les clefs de la cave à un sommelier alcoolique. »

Une chute qu’il eut été vraiment dommage de noyer dans le chagrin d’une note, même pas fichue d’être diluée.