Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, il a décidé de revenir sur l'utilisation du fonds Marianne.
Tous les jours, Bruno Donnet analyse ici les contenus médiatiques. Ce matin, il a choisi de prolonger un sujet dont il nous parlait, ici même, la semaine dernière. Vos Télescopages ont donc pour titre : « Utilisation du fonds Marianne, épisode 2 ».
Dans l’épisode 1, Bruno Donnet a expliqué ce qu’était, précisément, le fameux « fonds Marianne » : une création très chère, très chère à Marlène Schiappa qui, à l’époque à laquelle elle était ministre de la citoyenneté, avait lancé une vaste initiative pour réagir à l’assassinat, par un terroriste islamiste, du professeur Samuel Paty : « Je lance un fonds, qui ‘appellera le fonds Marianne, avec 2,5 millions d’euros, on peut faire beaucoup de choses pour défendre les valeurs de la république. »
France 2 et le magazine Marianne avaient enquêté sur l’utilisation de ces 2,5 millions d’argent public et découverts qu’une association avait capté la rondelette somme de 350.000 euros pour effectuer un travail plutôt léger : « Parmi les productions de l’association notamment, 13 vidéos sur YouTube, dont la majorité ne dépasse pas les 50 vues. Un compte Instagram avec seulement 138 abonnés.»
Depuis ce mercredi soir, il y a du nouveau !
Car c’est au tour de Médiapart de faire de nouvelles révélations.
Nos confrères ont découvert qu’une autre structure, elle s’appelle « Reconstruire le commun », a, elle aussi, touché plus de 300.000 euros, alors qu’elle venait tout juste d’être créée et qu’elle n’avait absolument aucune activité connue.
Le journal se demande donc pourquoi cette association-là a été choisie par les équipes de Marlène Schiappa et il soulève un lièvre dont la taille des oreilles est tout à fait spectaculaire !
Car avec ces 300.000 euros, qui devait normalement être employés pour « lutter contre le séparatisme », l’association aurait en fait financé une série de vidéos, au contenu extrêmement politique, destinées à dénigrer les opposants à Emmanuel Macron, pendant les campagnes présidentielle et législatives de l’année dernière.
Bruno Donnet est donc parti à la recherche des vidéos incriminées, vous les avez longuement regardées et ce qu'il a découvert l'a beaucoup surpris.
On est assez loin d’une quelconque mission « de promotion de la laïcité ».
Dans les vidéos, on ne défend pas tant « les valeurs de la République » mais plutôt les valeurs d’Emmanuel Macron.
Du reste, il en a sélectionné une qui vaut son pesant de prosélytisme. À l’écran, quatre jeunes gens sont autour d’une table et le premier sujet qui est mis au débat n’a strictement rien à voir avec le séparatisme : « Euh, reprenons sur Mac Kinsey. »
On y disserte sur le recours par Emmanuel Macron au cabinet de conseil Mac Kinsey. La question est la suivante : « Est-ce que ça vous choque ? Qu’est-ce que vous en pensez ? »
Et la réponse est sans ambages : « Ouais, moi personnellement ça me choque pas, je trouve que c’est un faux scandale et je trouve en fait qu’il y a tout ce qui correspond au logiciel idéologique des extrêmes pour les énerver et pour qu’elles sautent sur l’affaire. »
Personne n’est choqué. Et tout le monde est d’accord pour défendre l’initiative du président Macron : « Mais en gros ce qu’il disait, c’est qu’on avait tout de même besoin d’un regard extérieur pour aérer un peu l’esprit et avoir de nouvelles manières d’appréhender les problèmes et du coup d’y remédier etc (…) en soi c’est un argument qui se tient hein ! »
Voilà, mais mieux encore, dans cette longue vidéo, financée donc exclusivement par de l’argent public, ceux qui s’expriment à quelques jours du premier tour des élections législatives, tapent à bras raccourcis sur les deux principaux opposants à Emmanuel Macron : Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen : « Autant Marine Le Pen je comprends et le RN globalement je comprends pourquoi ce n’est pas un parti qui est républicain, pourquoi c’est un parti qui est extrême. »
Voilà, ici on affirme tranquillement que le parti de Marine Le Pen « n’est pas républicain » et devinez quoi ? On recommande donc de voter, plutôt pour le grand parti de rassemblement de qui ? D’Emmanuel Macron : « J’ai l’impression que le choix de la raison c’est le parti unique. »
Alors quel rapport y a-t-il entre ces vidéos et la lutte contre le terrorisme ? Mystère.
Pourquoi a-t-on utilisé 300.000 euros d’argent public pour les financer ? On ne sait pas non plus.
Il est théoriquement, interdit par la loi d’utiliser des moyens publics pour influencer le résultat d’une élection.
Et petit détail troublant, depuis les résultats des élections, figurez-vous que l’association « Reconstruire le commun » n’a plus produit le plus petit contenu, ça alors.
Elle est, parait-il « en sommeil ».