Mardi, les Etats-Unis avaient les yeux braqués sur les neufs juges siégeant à la Cour Suprême. Entre les mains de la plus haute juridiction américaine, le sort d'une des questions de société les plus polémiques de ces dernières années : le mariage gay. La journée de mardi a été consacrée aux premiers débats. La Cour suprême pourrait prendre en juin la décision historique de légaliser le mariage gay, légal à ce jour dans 37 Etats, dans tout le pays.
• Quel est l'enjeu de cette décision ?
L'enjeu de la décision de la Cour Suprême est d'autoriser les unions de même sexe dans tous le pays, alors qu'aujourd'hui, 13 Etats l'interdisent. C'est en tout cas ce que réclament les gays et lesbiennes de quatre de ces Etats (Tennessee, Kentucky, Michigan et Ohio), qui attaquent leurs administrations pour ne pas les avoir autorisés à se marier. Les plaignants sont soutenus devant la Cour par des milliers de militants des droits homosexuels venus assister à ce moment qui pourrait faire date.
Mais les défenseurs du camp adverse sont eux aussi venus en nombre. Les administrations des quatre Etats incriminées sont soutenues par des organisations religieuses ou politiques prônant une vision conservatrice de la question du mariage : selon eux, celui-ci doit se limiter à l'union d'un homme et d'une femme.
Mais la décision très attendue n'est en fait que la deuxième étape, la plus décisive, d'un long débat juridique commencé en 2013. A l'époque, les Sages avaient abrogé cette obligation d'être un homme et une femme pour rentrer dans le cadre juridique du mariage. Ils avaient donc permis aux couples homosexuels légalement unis dans les 37 Etats du pays autorisant le mariage gay d'obtenir les même droits à la retraite ou sur les successions que les couples hétérosexuels.
• Quel est le nœud juridique de la question ?
Le dernier obstacle à la fédéralisation du mariage gay aux Etats-Unis étant que la prérogative d'unir les couples appartient aux Etats et non à Washington, siège des institutions fédérales. C'est pourquoi, pour les activistes, seule la Cour Suprême pouvait faire jurisprudence et généraliser le mariage gay.
Juridiquement, le cœur de la question tournera autour du 14e amendement de la Constitution qui garantit l'égalité de traitement de tous les citoyens : exige-t-il que les Etats unissent des personnes de même sexe ? Traditionnel défenseur des droits homosexuels, le juge conservateur Anthony Kennedy devrait rejoindre les quatre juges progressistes de la haute Cour pour valider le mariage homosexuel au niveau national, accordant ainsi la majorité (5 sur 9) aux pro-mariage gay.
• Quelles conséquences politiques cette décision pourrait-elle avoir ?
D'avis d'experts, la reconnaissance du mariage pour tous à l'échelle du pays semble désormais "inévitable". Ces dernières années, la haute Cour américaine, pourtant à majorité conservatrice, a confirmé toutes les décisions judiciaires en faveur des unions des couples de même sexe, "ce qui rend une marche arrière vraiment difficile", estime Steven Schwinn, professeur de la John Marshall Law School.
Cette potentielle fédéralisation du mariage gay donne un avantage politique certain aux Républicains dans l'optique de la présidentielle de 2016, comme l'analyse le correspondant du Monde aux Etats-Unis. Elle permet en effet aux candidats à l'investiture républicaine de s'opposer dès maintenant à ce projet, séduisant ainsi l'électorat conservateur. Puis, une fois le mariage gay autorisé, d'éviter d'être étiqueté comme trop "rétrograde" par les électeurs (qui soutiennent à 61% le mariage gay, la proportion montant à 74% pour les moins de 40 ans).
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