Cristina Kirchner peut avoir le sourire. Avec 53% des suffrages et une réélection dès le premier tour, aucun dirigeant argentin n'avait atteint un tel score depuis Juan Domingo Perón, vainqueur en 1973 avec 62% des suffrages.
Veuve de Nestor Kirchner, président entre 2003 et 2007 - il avait renoncé à briguer un second mandat préférant soutenir sa femme - cette avocate de 58 ans a réussi un spectaculaire renversement de tendance après avoir vu sa cote de popularité dégringoler au début de son premier mandat en 2007.
La veuve en noir qui a conquis les Argentins
Dès le départ, son côté autoritaire s'est révélé en effet être un problème de taille. Son refus de négocier lors de la grande crise avec les agriculteurs, en 2008, lui a fait perdre à l'époque vingt points de popularité. Connue son caractère bien trempé et pour son aisance oratoire, héritée de son passage au Sénat, Cristina Kirchner a aussi longtemps irrité les Argentins par son côté "maîtresse d'école".
Perchée sur des talons hauts, les ongles longs et nacrés, les cheveux longs auburn lâchés sur les épaules, Cristina Kirchner s'est également vue reprochée son penchant pour les marques de luxe.
Mais la mort de son mari, terrassé par une crise cardiaque à ses côtés, le 27 octobre 2010, lui a permis de donner d'elle une toute autre image : sensible plutôt qu'autoritaire et moins frivole. Un an plus tard, la présidente argentine s'habille toujours en noir et son deuil est devenu une formidable arme politique.
Une politique interventionniste
Mais celle que certains disaient sur le point de tout quitter, il y a un an, ne doit pas son triomphe actuel à la seule mort de son mari. Il faut également rechercher les raisons de son soutien populaire du côté de l'économie : la croissance atteindra 8% cette année, le chômage est à son plus bas niveau depuis vingt ans et la confiance des ménages ne s'est jamais si bien portée.
Cristina Kirchner, qui bénéficie aussi des divisions de l'opposition a fait le choix d'une politique interventionniste : contrôle des prix, quotas agricoles, et financement de la dette par une partie des réserves de la banque centrale. Une politique qui lui vaut l'animosité de Wall Street, mais qui rassure une partie des Argentins, encore traumatisés par la "banqueroute" du pays dans les années 2001-2002, après des années de libéralisme forcené comme lors de la présidence de Carlos Menem.
"Habituée aux situations de tension extrême"
Les principales critiques de ses détracteurs visent sa façon de gouverner. "Elle n'écoute qu'elle", dit le socialiste Hermes Binner, son principal rival distancé de 36 points dimanche. "Cristina est très rationnelle", rétorque Alberto Fernandez, chef du gouvernement des Kirchner entre 2003 et 2008. Là où Nestor Kirchner imposait ses décisions en se fondant sur son seul pouvoir, son épouse éprouve le besoin de se justifier.
"Je suis habituée aux situations de tension extrême et à ne pas perdre mon calme. Mon seuil de résistance à la pression est très élevé", a récemment confié celle qui a milité dans les Jeunesses péronistes. Lors de la campagne électorale, Cristina Fernandez a ainsi promis de poursuivre sa politique interventionniste et de maintenir les nombreuses subventions accordées aux familles défavorisées, comme des réductions dans le transport et dans l'énergie. Grande fan de Twitter - son compte est suivi par 674.770 "followers" – qu'elle utilise quotidiennement pour exprimer des avis ou communiquer avec des dirigeants politiques, Cristina Kirchner peut se réjouir : le "kirchérisme" a encore de beaux jours devant lui…