Un maire en cavale, un cimetière clandestin et plus de 40 disparus, évaporés dans la nature : voici quelques uns des ingrédients de l’affaire qui secoue le Mexique depuis plusieurs jours. Au total, 43 étudiants mexicains, qui s’étaient rendus dans la ville d’Iguala pour une manifestation, ont disparu dans des circonstances troubles. Et le mystère s’est encore épaissi mardi, quand les autorités ont annoncé que des corps exhumés dans des fosses clandestines… n’étaient pas ceux des disparus.
Des étudiants manifestants emmenés. Tout commence le 26 septembre, quand des élèves-enseignants de l’école normale d’Ayotzinapa se rendent à Iguala, à 100 kilomètres de là, afin de manifester pour réclamer des subventions. Ces jeunes, âgés de 17 à 21 ans, dont l’établissement est réputé être un foyer de contestation, s’emparent ensuite de trois autobus publics pour rentrer chez eux. Des policiers et des hommes armés, non identifiés, tirent alors sur les autobus. Bilan : six morts et 25 blessés. D’autres étudiants sont emmenés dans des voitures de police dans un lieu inconnu. Ces 43 étudiants n’ont plus été revu depuis.
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Après les événements d’Iguala, une trentaine de personnes sont arrêtées. La plupart sont des policiers, mais au moins quatre d’entre eux sont des membres présumés des Guerreros Unidos, les "Guerriers unis". Ce cartel aurait participé, avec la police locale, à l’assaut contre les autobus, à Iguala. De quoi alimenter la protestation naissante sur la collusion entre les autorités et le crime organisé. Pour ne rien arranger, un autre protagoniste de l’affaire s’est volatilisé entre temps : le maire d’Iguala, ainsi que son directeur de la sécurité publique, sont en fuite, raconte Le Monde. Ils sont recherchés car les autorités les soupçonnent d’avoir ordonné les violences contre les étudiants et entretenu des liens avec le cartel.
Un cimetière clandestin. Quant aux disparus d’Iguala, ils demeurent introuvables, malgré les quelque 300 policiers fédéraux mobilisés pour tenter de les retrouver. Le 4 octobre, cinq fosses clandestines sont découvertes dans les montagnes autour d’Iguala. Ce sont des détenus, assurant avoir tué les étudiants, qui ont indiqué l’emplacement, où une trentaine de corps sont enterrés, pour la plupart calcinés. Mais mardi, dix jours plus tard, les analyses ADN tombent comme un coup de tonnerre : les corps découverts ne sont pas ceux des disparus.
L’enquête avance tout de même. Toujours mardi, 14 nouveaux policiers de la région sont arrêtés. Le scénario établi par les autorités est le suivant : après avoir emmené le groupe d’étudiants, ces policiers les auraient remis aux "Guerreros Unidos". Sans que l’on sache toutefois le sort réservé aux captifs. Et ce n’est pas le chef présumé du cartel qui pourra en parler : Benjamin Mondragon est mort mardi dans une opération de police.
Grève de 48 heures. Devant l’apparente impuissance des autorités mexicaine à résoudre l’affaire, la colère monte. L’ONU, la Commission interaméricaine des droits de l’Homme ainsi que des élus mexicains ont demandé que la lumière soit faite. Ecoeurée par les liens présumés entre les élus d’Iguala et les malfaiteurs des cartels, la population aussi se mobilise. Lundi, des étudiants de Mexico ont lancé une grève de 48 heures. Dans l’Etat du Guerrero, au sud du pays, là où se sont produits les faits, des enseignants et des étudiants, masqués, ont mis à sac et incendié des bâtiments abritant le gouvernement local. Ils ont prévenu qu’ils avaient l’intention de "radicaliser" encore leur mouvement si les autorités ne donnaient pas plus d’informations sur le sort de 43 disparus d’Iguala.
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