D'anciens prisonniers français de Guantanamo qui ont déposé plainte pour détention arbitraire et torture, ont demandé l'audition en France de l'ex-président George W. Bush et de son ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, a-t-on appris jeudi auprès de leur avocat William Bourdon.
L'enquête judiciaire, ouverte depuis 2005 après une plainte des Français Nizar Sassi et Mourad Benchellali, s'est achevée sans qu'aucun responsable américain ne soit poursuivi et le parquet de Paris a requis le 19 avril un non-lieu. Il revient désormais à la juge d'instruction de se prononcer. "Nombre d'investigations sont encore aujourd'hui nécessaires pour que lumière soit faite sur les faits, extrêmement graves, subis par mes clients", estime Me Bourdon, qui a demandé à la juge d'entendre plusieurs anciens haut-responsables américains dont George W. Bush.
"Tuer, capturer, détenir, interroger des personnes suspectées d'appartenir à Al-Qaïda". L'ancien président des États-Unis (2001-2009) "a ratifié, le 17 septembre 2001, une directive autorisant la CIA à tuer, capturer, détenir, interroger des personnes suspectées d'appartenir à Al-Qaïda" et a "donné son aval au recours à la torture", relève-t-il dans sa demande, dont l'AFP a eu connaissance. Quant à Donald Rumsfeld, "le FBI lui-même a indiqué que le fait de 'cagouler' les prisonniers, les menaces de violences et l'utilisation de techniques ayant pour objectif de les humilier étaient validées à haut niveau au sein du département d'Etat à la Défense", ajoute-t-il.
L'ancien commandant de Guantanamo convoqué. Il souhaite aussi que la juge d'instruction délivre un mandat d'amener voire un mandat d'arrêt à l'encontre de Geoffrey Miller, commandant de la base de Guantanamo de novembre 2002 à avril 2004. Les ex-détenus avaient déjà demandé l'audition du général. La magistrate avait refusé de le convoquer, mais la chambre de l'instruction avait ordonné en avril 2015 son audition. Fin 2016, le département américain de la Justice a répondu qu'il ne pouvait lui transmettre une convocation car cette demande pouvait nuire aux "intérêts essentiels" de la nation.
L'enquête élargie à des faits de torture. Nizar Sassi et Mourad Benchellali avaient été arrêtés au Pakistan après le 11 septembre 2001 puis remis à l'armée américaine et détenus jusqu'en 2004 dans la base militaire installée à Cuba. Ils avaient ensuite été renvoyés en France, où ils ont été condamnés définitivement à un an de prison ferme pour avoir rejoint entre 2000 et 2001 l'Afghanistan avec des visées djihadistes. Musiques assourdissantes, flash de lumière, interrogatoires violents, détention dans des cages, utilisation de chiens: les anciens détenus, rejoints dans la procédure par un autre Français passé par Guantanamo, avaient décrit des conditions de traitement inhumain et l'enquête avait été élargie à des faits de torture.