Élection présidentielle au Venezuela : tout comprendre à la crise politique que traverse le pays

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Juline Garnier avec AFP / Crédits photo : JONATHAN LANZA / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
Depuis la réélection officielle annoncée lundi du président sortant Nicolas Maduro pour un troisième mandat jusqu'en 2031, un bras de fer s'est engagé entre le pouvoir socialiste et autoritaire et l'opposition. Celle-ci dénonce une "fraude massive" et exige un dépouillement transparent des votes, réclamé par une bonne partie de la communauté internationale. On fait le point.
DÉCRYPTAGE

Doit-on craindre une guerre civile au Venezuela ? La tension est montée d'un cran en ce début de semaine après l'organisation de manifestations massives partout dans le pays, entraînant 749 arrestations et une douzaine de morts. En cause : le résultat de l'élection présidentielle, dans ce pays déjà en proie à l'instabilité. 

Au pouvoir depuis 11 ans, Nicolas Maduro, héritier du révolutionnaire socialiste Hugo Chavez, a été officiellement réélu à la tête du pays. Mais l'opposition, soutenue par les manifestants, revendique elle aussi la victoire, accusant Maduro de "fraude massive". Qu'en est-il exactement ? Europe 1 fait le point.

Le Conseil national électoral en question

Au centre du bras de fer entre les deux parties se trouve le Conseil national électoral, en charge de la publication du résultat officiel de l'élection. C'est cette instance qui a déclaré le président sortant vainqueur, avec plus de 51% des voix, alors qu'il était présenté comme largement perdant par de nombreux sondages. Les décomptes par bureaux de vote n'ont pas été publiés et des intimidations de citoyens au moment du vote ont été rapportées par la presse locale. 

De fait, plusieurs pays ont émis des doutes quant à la fiabilité de ce Conseil national électoral, très lié au pouvoir en place, rappelle le journal Le Monde. Neuf pays d’Amérique latine réclament un "réexamen complet des résultats", tout comme les pays membres du G7 qui demandent eux des "résultats électoraux détaillés".

Ce mercredi, une partie de la communauté internationale à appeler les instances officielles à plus de transparence et à mettre fin à la "répression" de l'opposition. "Les autorités du Venezuela doivent mettre fin aux détentions, à la répression et à la rhétorique violente contre les membres de l'opposition", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell sur le réseau social X, quelques heures après avoir demandé un "accès immédiat aux procès-verbaux des bureaux de vote", faute de quoi le résultat officiel du scrutin ne sera pas reconnu.

Campagnes inégales

L'élection présidentielle était d'ailleurs plutôt mal partie. La cheffe de l'opposition, Maria Corina Machado, figure politique au programme ultra-libéral qui devait être face à Nicolas Maduro, avait été déclarée inéligible le 26 janvier dernier par la Cour suprême, souvent accusée elle aussi d’être aux ordres du pouvoir. En avril, Machado avait donc apporté son soutien à un nouveau candidat pour la remplacer : Edmundo Gonzalez Urrutia, un discret diplomate inconnu du monde politique.

Depuis, les arrestations des membres et proches de l'opposition se sont multipliées pendant que Nicolas Maduro, présenté comme un "super-héros" par ses équipes de campagne, était omniprésent dans les médias du pays.

"On ne négocie pas avec le fascisme"

Peu après les résultats, aux cris de "Liberté, liberté !", des sympathisants du candidat Edmundo Gonzalez Urrutia et de la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado se sont donc rassemblés à Caracas et dans d'autres villes du pays pour contester la réélection annoncée de Nicolas Maduro pour un troisième mandat. "Nous devons rester dans les rues, nous ne pouvons pas nous laisser voler nos voix aussi effrontément", a par exemple confié à l'AFP Carley Patino, une administratrice de 47 ans. 

Le président de l'Assemblée nationale, Jorge Rodriguez, a lui estimé que "Maria Corina et Edmundo doivent être arrêtés. On ne négocie pas avec le fascisme, on applique toute la rigueur des lois de la République" ; reprenant ainsi les mots employés par Nicolas Maduro, qui qualifie lui ses adversaires de "diables" et de "démons".

Vive répression

Depuis lundi, le bilan des manifestations est d'au moins 11 civils tués, dont deux mineurs, selon quatre ONG de défense des droits humains. Alfredo Romero, responsable de l'ONG Forum pénal, s'est inquiété de "l'usage d'armes à feu". Le procureur général Tarek William Saab a fait état d'une 12e victime, un militaire tué par balle. L'Enquête nationale sur les hôpitaux, une ONG, a dénombré 84 blessés civils, tandis que le ministère de la Défense a enregistré 23 militaires blessés.

Le parquet a fait savoir que "749 délinquants" avaient été arrêtés dans le cadre des manifestations, certains pour "terrorisme". Dans ce contexte, l'opposition dénonce une "escalade de la répression" et a annoncé l'arrestation d'un de ses cadres, Freddy Superlano. Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, a d'ores et déjà "réaffirmé" la "loyauté absolue" des forces armées au président Maduro.

Pilier du pouvoir sous le président Hugo Chavez de 1999 jusqu'à sa mort en 2013, comme sous son dauphin Nicolas Maduro, l'appareil sécuritaire tient entre ses mains une bonne part du destin du pays. Cette nouvelle flambée survient alors que le Venezuela, longtemps un des pays les plus riches d'Amérique latine, est déjà exsangue, empêtré dans une crise sans précédent : effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays.