Il a livré un témoignage capitale, accablant pour le président Trump. L'ex-directeur du FBI, James Comey, était auditionné jeudi au Congrès américain sur la présumée ingérence russe dans l'élection présidentielle aux États-Unis. James Comey, limogé par Donald Trump début mai, est venu raconter ses conversations privées avec le locataire de la Maison-Blanche devant la commission du Renseignement du Sénat, pendant plus de deux heures, une séance retransmise par toutes les grandes chaînes de télévision américaines.
La quinzaine de sénateurs assis en face de l'ancien premier flic des États-Unis voulaient savoir si les multiples requêtes présidentielles, formulées en tête à tête dans l'intimité du Bureau ovale, représentaient une interférence politique et une entrave à la justice, un délit majeur qui dans le passé a déjà conduit au lancement par le Congrès de procédures de destitution contre un président. James Comey, auditionné toute la matinée, s'exprimait ensuite à huis clos devant les mêmes sénateurs afin de pouvoir évoquer librement des informations classifiées.
- Les demandes de Trump sur l'enquête russe étaient "très dérangeantes" mais pas explicites
À la question de savoir si le président ou l'administration Trump lui avait demandé d'"arrêter" l'enquête menée par le FBI sur les ingérences russes, James Comey a assuré que "non". Mais il a jugé que les actions du dirigeant américain étaient "très dérangeantes", ne mâchant pas par ailleurs ses mots contre lui. Si Donald Trump n'a pas explicitement demandé à l'ex-chef du FBI d'abandonner l'enquête sur son ex-conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn, James Comey a tout de même pris les paroles du président "comme une instruction", a-t-il ajouté jeudi.
Au cours de leurs échanges, Donald Trump a tenté de créer une relation clientéliste avec James Comey, a dénoncé ce dernier devant le Congrès. Notamment lors d'un tête à tête dans le Bureau ovale le 14 février dernier où le président a déclaré, selon Comey : "J'espère que vous pourrez trouver une façon d'abandonner cela, de lâcher Flynn." Si James Comey reconnaît que Donald Trump n'a pas donné d'ordre direct, il indique l'avoir interprété comme une instruction. Une instruction de toute évidence qui n'a pas été respectée et qui lui a valu son limogeage.
Q? : Le président vous a-t-il demandé de lâcher l'enquête sur l'ingérence russe ? Non, répond Comey.
— Xavier Yvon (@xavieryvon) 8 juin 2017
C'est celle sur les mensonges de Michael Flynn qu'il lui a demandé d'abandonner.
— Xavier Yvon (@xavieryvon) 8 juin 2017
- L'ingérence russe ne fait "aucun doute"
James Comey a redit jeudi qu'il n'avait "aucun doute" sur l'interférence de la Russie dans l'élection américaine, et ce au plus haut niveau du gouvernement russe. "Ils veulent saper notre crédibilité dans le monde (...) Ils vont revenir parce que (...) nous sommes dans cette place au soleil et ils n'aiment pas ça", a dit James Comey.
- Des "mensonges pures et simples"
En préliminaire de son audition, James Comey, qui paraissait très affecté, a tenu à rétablir sa réputation et a montré son attachement au FBI. Il a assuré qu'il n'a pas été viré parce qu'il faisait un mauvais travail, comme l'avait affirmé la Maison-Blanche pour justifier son renvoi. L'administration Trump en avait alors profité pour déclarer que le FBI était mal dirigé. "Ce ne sont que des mensonges pures et simples", a assuré James Comey jeudi, accusant l'administration de Donald Trump de l'avoir "diffamé". "J'estime qu'il m'a limogé à cause de l'enquête russe", a par ailleurs jugé James Comey. "Le but était de modifier la façon dont l'enquête sur la Russie était conduite. C'est très grave", a-t-il dit.
- Des conversations consignées ... et enregistrées ?
James Comey a confié devant le Congrès avoir pris l'habitude de consigner par écrit tous ses échanges individuels avec Donald Trump. Ses notes étaient ensuite partagées avec la hiérarchie du FBI. "Je craignais honnêtement qu'il ne mente sur la nature de nos rencontres", a-t-il expliqué devant les sénateurs. James Comey savait donc qu'il aurait besoin un jour de ses notes pour prouver sa bonne foi. Il dit même espérer que ses conversations avec Donald Trump ont été enregistrées, comme l'a suggéré le président dans un tweet menaçant : "J'ai choisi mes mots avec soin. J'ai vu le tweet sur les enregistrements. J'espère bien qu'il y a des enregistrements", a déclaré James Comey.
- James Comey a organisé lui-même les fuites dans la presse
C'est ainsi que James Comey, comme il l'a avoué jeudi, a organisé de lui-même les fuites de ses notes sur ses rencontres avec Donald Trump dans la presse, à la suite de son limogeage, afin de provoquer une enquête indépendante sur les ingérences russes dans l'élection. "J'ai demandé à un de mes amis de remettre le contenu de mes notes à un journaliste. Je ne l'ai pas fait moi-même pour différentes raisons, mais je l'ai fait parce que je pensais que cela pousserait à la nomination d'un procureur spécial" indépendant, a dit James Comey. De fait Robert Mueller - ancien directeur du FBI - a été nommé le lendemain de la fuite pour faire toute la lumière sur l'ingérence russe dans l'élection et l'éventuel rôle de l'entourage de Donald Trump.
- James Comey veut laisser la justice trancher
La commission du Congrès doit désormais trancher pour dire si ces conversations constituent des tentatives d'entrave de la part du président. Sur ce point, James Comey n'a pas voulu répondre : il a indiqué jeudi que ce n’était pas son rôle de qualifier juridiquement les requêtes du président. L'ancien directeur du FBI a déclaré qu'il était "sûr que le procureur indépendant" nommé par le ministère de la Justice sur l'affaire russe, Robert Mueller, "travaillerait à cette conclusion pour trouver l'intention et savoir si c'est un délit". Si un tel délit était authentifié, le Congrès serait en mesure de lancer une procédure de destitution contre Donald Trump.