#Acte 1 : lancement de l'offensive turque en Syrie
L’armée turque a formellement lancé samedi une intense offensive contre une milice kurde en Syrie, dans la région d’Afrine, près de la frontière. Baptisée "Rameau d’olivier", l’opération a débuté par un bombardement aérien d’envergure mené par 72 appareils, qui ont frappé plus de 150 cibles, dont un aéroport militaire, selon l’armée turque. La région syrienne d’Afrine est contrôlée depuis 2012 par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice du principal parti kurde en Syrie.
Ankara a toujours considéré les YPG comme une organisation terroriste, affilée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une rébellion dans le sud-est de la Turquie depuis 30 ans. Cette offensive intervient alors que la coalition internationale contre Daech a mis en place une "force frontalière", composée notamment de soldats kurdes (peshmergas) et qui doit être déployée à la frontière syro-turque, suscitant la colère d’Ankara. Le Premier ministre turc a indiqué que l’offensive visait à créer une "zone de sécurité" de 30 km à partir de la frontière. "L'idée des Turcs est d'empêcher les Kurdes de faire leur jonction entre Kobané et Afrine, d'empêcher que se constitue un Etat" kurde en Syrie, analyse sur Europe 1 Régis Le Sommier, directeur adjoint de Paris Match et auteur de livre Assad.
D’après les YPG, dix personnes, dont des civils, ont été tuées lors de cette première offensive. L’armée turque indique pour sa part que seuls des "terroristes" ont été touchés, sans en dire plus. Dans une apparente riposte, des roquettes ont été tirées depuis la zone contrôlée par les YPG sur la ville frontalière turque de Kilis, faisant un blessé.
#Acte 2 : des civils tués par des frappes
Dimanche matin, l’opération terrestre a commencé avec l’arrivée des soldats turcs dans l’enclave d’Afrine, appuyés par des milliers de rebelles syriens de l’Armée syrienne libre (ASL). Plus de 45 cibles, comme des abris et des caches d’armes, ont été pilonnées. Un correspond de l’AFP a vu l’artillerie turque faire feu en direction de villages de la région d’Afrine, d’où s’élevaient des colonnes de fumée. Les YPG ont assuré pour leur part avoir repoussé une tentative d’incursion des soldats turcs dans la ville même d’Afrine.
"Nous n'avons pas d'intérêt à pénétrer dans la ville. Seuls les cibles militaires à l'intérieur de la ville et les villages alentour nous intéressent. Nous cherchons à encercler la ville et à nous assurer que les milices en seront chassées", a expliqué à Reuters un commandant de l’ASL. Ankara et ses alliés rebelles espèrent ainsi reprendre aux YPG une dizaine de localités de la région d’Afrine. L'Organisation syrienne des droits de l'Homme et les YPG ont fait savoir qu'au moins 11 civils, dont cinq enfants, ont été tués dans des frappes turques dans la région dimanche.
©NAZEER AL-KHATIB / AFP
Dans une nouvelle apparente riposte dimanche, des roquettes ont été tirées sur la ville turque de Reyhanli, tuant une personne et en blessant une trentaine d’autres. Les YPG ont été pointés du point par les autorités turques.
#Acte 3 : inquiétude de la communauté internationale
Cette nouvelle escalade de la violence dans le nord de la Syrie née de l’intervention turque suscite l’inquiétude des pays voisins et des puissances occidentales. Dimanche, la ministre des Armées Florence Parly a appelé à la cessation des combats par Ankara, estimant qu’elle allait nuire à la lutte contre Daech. Le président syrien Bachar al-Assad a condamné l'opération turque accusant Ankara de "soutenir le terrorisme" en s’alliant aux rebelles de l’ASL, et a condamné une "nouvelle attaque contre la souveraineté de la Syrie".
L'offensive turque risque en outre de tendre davantage les rapports entre Ankara et Washington : les États-Unis soutiennent en effet une coalition arabo-kurde dont font partie les YPG, pour combattre Daech. Washington a appelé dimanche Ankara à "faire preuve de retenue", tout en condamnant une "escalade de la violence". De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan a assuré dimanche que l’opération se terminerait "en très peu de temps". Et il a averti que quiconque manifesterait en Turquie contre cette offensive en "paierait un prix très élevé".
Le Conseil de Sécurité des Nations unies tiendra lundi des consultations sur la situation en Syrie, a annoncé dimanche le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui avait demandé une réunion d'urgence sur le sujet, précisant que "la France soulignera notamment l'urgence d'assurer l'accès humanitaire" lors de ces consultations.