Le règne de l'empereur japonais Akihito s'achève mardi avec l'abdication du souverain qui cède de son vivant le trône du Chrysanthème à son fils aîné, une première en deux siècles. A 17 heures locales (10 heures en France), Akihito mettra un terme à plus de 30 ans passés comme "symbole du peuple et de l'unité de la nation". Les mots qu'il prononcera alors resteront dans l'Histoire. Le prince héritier Naruhito lui succédera quand le Japon basculera le 1er mai à minuit dans l'an 1 de la nouvelle ère impériale "Reiwa" ("belle harmonie"), après trois décennies d'ère Heisei ("parachèvement de la paix").
"A chaque fois que les Japonais souffrent, il est de leur côté". Le couple impérial formé par Akihito et son épouse Michiko quitte la scène très respecté. Cela tient beaucoup à la relative proximité que les souverains ont su créer avec les citoyens, comme l'attestent les témoignages recueillis par le correspondant d'Europe 1 au Japon. "J'ai un profond respect pour l'empereur. A Fukushima, en 2011, il s'est rendu au chevet des victimes. A chaque fois que les Japonais souffrent, il est à leur côté. Ça m'a toujours beaucoup touchée", raconte Mariko, femme au foyer de Tokyo.
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Akihito a en effet rompu avec le système patriarcal et autoritaire de ses prédécesseurs, dont se souvient un retraité tokyoïte. "Il a été le symbole de l'Etat. Avant lui, l'empereur était chef d'Etat, chef d'armée et un dieu vivant. C'est capital comme évolution. Le japon a commis tant de crimes de guerre au nom de l'empereur..."
Une loi d'exception écrite sur mesure. Alors que les successions impériales se faisaient depuis 200 ans lors du décès du souverain en exercice au profit de son héritier, le passage d'Ahihito à Naruhito découle d'une loi d'exception écrite sur mesure. L'empereur avait subtilement exprimé mi-2016 son souhait d'être déchargé de sa tâche, qu'il ne pourrait plus "exercer corps et âme" en raison de son âge (85 ans aujourd'hui) et d'une santé sur le déclin. La date de l'abdication, ainsi que l'ensemble des dispositions entourant cet événement, ont été décidées par le gouvernement, la famille impériale n'ayant pas son mot à dire.
La population nippone se prépare ainsi à des festivités historiques et quasi inédites puisque, cette fois, la nation n'est pas endeuillée comme c'était le cas en 1989 (mort de Hirohito aussi appelé empereur Showa), 1926 (mort de l'empereur Taisho) ou 1912 (mort de l'empereur Meiji). Les principales cérémonies ultra-protocolaires et très brèves de mardi et mercredi, qui auront lieu dans la plus belle salle du Palais impérial, seront diffusées sur la chaîne publique NHK avec une solennité rare. Des rassemblements publics sont aussi attendus aux abords du palais impérial.
Des couteaux sur le bureau du prince Hisahito. Des mesures spéciales de sécurité seront en vigueur d'autant que, la semaine dernière, le petit-fils de l'empereur, le prince Hisahito, a été l'objet d'un acte considéré comme une menace: deux couteaux ont été trouvés sur sa table de classe dans son collège.
Des comptes à rebours sont prévus dans des lieux aussi divers que des boîtes de nuit, parvis de gares, observatoires ou sanctuaires shinto, quasi religion qui régit en partie les rites impériaux. Toutefois, l'ensemble des événements relatifs à ce changement s'étale sur des mois, avec un autre point culminant à l'automne quand seront accueillis des chefs d'Etat et nombreuses personnalités. "Il y a plusieurs étapes dans le cérémonial de succession qui ne sont en fait précisées dans aucune loi", expliquait récemment lors d'une conférence de presse l'éditorialiste et historien Eiichi Miyashiro. "Le sens de ces cérémonies est difficile à comprendre et la plupart des Japonais l'ignorent".