Législatives au Royaume-Uni : un suicide politique pour Theresa May

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Isabelle Ory, Aurélien Fleurot, Sébastien Krebs, A.H., avec AFP
La Première ministre britannique, qui souhaitait voir sa majorité renforcée au Parlement, avait pris un pari très risqué. Mais au lendemain du scrutin, le pays est en proie à l'instabilité.

Les projections n'étaient pas bonnes, les résultats officiels viennent de le confirmer, vendredi matin. Le parti conservateur de Theresa May a perdu sa majorité absolue au Parlement à l'issue des élections législatives anticipées du 8 juin, au Royaume-Uni.

Un échec personnel pour Theresa May 

Moins d'un an après le référendum pour la sortie de l'Union européenne, la Première ministre britannique avait convoqué ces élections législatives anticipées afin d'avoir les coudées franches pour négocier le Brexit avec les 27 à partir du 19 juin. Le moins que l'on puisse dire, c'est que son calcul était mauvais

Les travaillistes de Jeremy Corbyn, tenant de l'aile gauche qui a mené une campagne jugée réussie, ont contrarié ses plans. Si les conservateurs sont en tête du scrutin, ils ont perdu une douzaine de sièges, tandis que l'opposition travailliste en a gagné une petite trentaine, selon des résultats quasi finaux.

Theresa May a ainsi commis la même erreur que son prédécesseur David Cameron, qui avait convoqué un référendum sur l'Europe pour faire taire les europhobes les plus acharnés au sein du parti conservateur. Lui aussi désavoué par les électeurs, il avait démissionné dans la foulée. Reste à voir si Theresa May suivra son exemple, comme l'a réclamé le leader de l'opposition, Jeremy Corbyn. "Elle a perdu des sièges conservateurs, perdu des voix, perdu le soutien et la confiance. C'est assez pour qu'elle parte et laisse la place à un gouvernement vraiment représentatif", a-t-il déclaré.

Jeremy Corbyn, le travailliste qui surprend

Objet de régulières tentatives de putsch au sein de son parti, dont l'aile centriste ne supporte pas ses idées radicales, Jeremy Corbyn peut savourer sa victoire. Alors que tout le monde lui prédisait une défaite amère, il a augmenté le score du Labour d'une bonne trentaine de sièges.

Militant de longue date, il s'est retrouvé comme un poisson dans l'eau dans ses meetings à travers le pays, proche des gens et de leurs préoccupations, cherchant le contact, tout le contraire de la campagne de Theresa May. Education, environnement, santé : en parlant social, Jeremy Corbyn a suscité l'engouement de jeunes qui ne se sentaient plus représentés.

"Je pense que la mobilisation des jeunes a beaucoup joué. L'université coûte tellement cher. Moi, j'ai 50.000 euros de dette et honnêtement, c'est la première fois que je vois un homme politique se préoccuper de ces sujets", soutient un étudiant de la London School of Economics, la prestigieuse université située dans le centre de Londres, interrogé par Europe 1. "C'est la première fois depuis longtemps que les travaillistes reviennent à leurs racines sociales. Nous en avions besoin. Il a montré qu'il considérait les gens. Theresa May, non", renchérit une étudiante.

Quelles conséquences pour le Brexit et les Européens ?

À Bruxelles, les résultats de l'élection ne sont pas vus d'un bon œil. Cela peut paraître paradoxal, mais les Européens espéraient une large victoire de Theresa May. De leur point de vue, si elle obtenait une large majorité au Parlement, cela aurait eu le mérite de la clarté. La Première ministre britannique aurait ainsi été en position de force dans son pays pour négocier… et faire des compromis sur le Brexit. Ce qui se dessine vendredi matin, c’est tout sauf ça. Si Theresa May reste au pouvoir, elle sera très affaiblie. Et à Bruxelles, on craint qu’elle ne soit à la merci des plus intransigeants de son parti. Ceux qui, comme Boris Johnson, veulent un Brexit très dur.

Par ailleurs, si Theresa May démissionne ou essaie de former une coalition pour avoir la majorité absolue, cela prendra du temps. Or, le temps est un élément fondamental dans cette négociation, qui doit s’achever en mars 2019. La première véritable séance de discussions devait avoir lieu dans dix jours. Mais d’ici là, quelqu’un aura-t-il été nommé pour s'asseoir en face du négociateur européen Michel Barnier. Vendredi matin, ce calendrier paraît très incertain.