Le brexit est voté. Il peut s'en aller. Nigel Farage, leader du parti anti-européen Ukip a annoncé lundi qu’il démissionnait. "Mon objectif de sortir de l'UE est atteint (...) j'ai accompli ma mission", a déclaré lors d'une conférence de presse celui qui avait fait du Brexit le but ultime de sa vie politique. Cet ancien trader de 52 ans en a rêvé nuit et jour depuis qu'il a co-fondé, en 1993, le "United Kingdom Independence Party". "Tout ce que j'ai pu faire en politique tourne autour de ce référendum, absolument tout", avait-il récemment déclaré.
"J'ai récupéré mon pays, maintenant je veux récupérer ma vie", a-t-il tweeté lundi midi.
Today I have decided to stand aside as Leader of @UKIP. I have got my country back, now I want my life back https://t.co/gUiXrfBQnP
— Nigel Farage (@Nigel_Farage) July 4, 2016
Un député européen comblé. Le jour suivant le référendum, Nigel Farage avait les larmes aux yeux en voyant poindre "à l'aube, le rêve d'un Royaume-Uni indépendant". Pour cet europhobe de toujours, la victoire du "leave" était l'aboutissement d'une carrière consacrée à dénigrer les institutions européennes.
Trop sulfureux, trop clivant, qualifié de raciste par certains, Nigel Farage a échoué à six reprises, à se faire élire député au Parlement britannique. Il s'est consolé en s'immisçant au coeur même du réacteur ennemi, le Parlement européen, où il siège depuis 1999 sans interruption.
Un ancien trader qui voulait donner du sens. C'est depuis Strasbourg, qu'il aime rallier en voiture en s'arrêtant en route sur les champs de bataille des deux guerres mondiales, que l'eurodéputé pourfend depuis près de vingt ans un système "corrompu" et "antidémocratique". C'est là qu'il a lancé un jour au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy : "Sans vouloir être désagréable, qui êtes-vous ? Vous avez le charisme d'une serpillière mouillée".
Né le 3 avril 1964 au sud de Londres, Nigel Farage aurait pu faire "beaucoup d'argent" à la City, où il a travaillé comme trader sur les marchés de métaux après une scolarité dans le privé. S'il a préféré la politique, c'est pour "faire une différence" et donner du sens à une vie qui a failli s'arrêter prématurément à plusieurs reprises.
Celui qui a frôlé la mort trois fois. Âgé d'une vingtaine d'années, il a frôlé la mort et l'amputation d'une jambe après avoir été renversé par une voiture à la sortie d'un pub. Quelques mois plus tard, on lui a diagnostiqué un cancer des testicules. Guéri, il a épousé une infirmière, avec qui il a eu deux fils. Il aura encore deux filles ensuite avec sa deuxième femme, Kirsten Mehr, une Allemande.
Il a failli disparaître une troisième fois en 2010, dans un crash d'avion, le jour des législatives, lorsque la bannière publicitaire tractée par un petit biplace, de fabrication polonaise, s'est empêtrée dans l'hélice. Il s'en est tiré avec quelques côtes fracturées et un poumon perforé, mais souffre toujours des séquelles, comme le trahit sa démarché légèrement raide.
"Britannique de l'année 2014". C'est avec l'énergie du survivant qu'il a pris le pouvoir à l'Ukip. Omniprésent et messianique, doté d'une gouaille et d'un charisme de télévangéliste, Nigel Farage incarne rapidement le parti à lui tout seul et transcende les militants qui, tous, l'appellent par son seul prénom : "Nigel!". Il construit sa légende en sillonnant les pubs avec une pinte et une cigarette à la main.
La première grande consécration au Royaume-Uni viendra en 2014 lorsque l'Ukip, comme le Front national en France, remporte les élections européennes. Elu "Britannique de l'année 2014" par le Times, Nigel Farage est alors en pole position pour mener la campagne pour un Brexit lors du référendum.
Une victoire savourée, sans assumer les conséquences. Mais son image controversée, ses propos sur les malades du sida dont il faudrait, selon lui, interdire l'entrée au Royaume-Uni, l'écartent de la campagne officielle. Peu importe ! Il mène sa campagne à lui et continue à être l'objet de toutes les attentions.
Comme lorsqu'il remonte la Tamise à la tête d'une flottille de chalutiers, seulement concurrencé, en termes d'images, par Boris Johnson. Il continue à créer la controverse avec ses affiches de campagne, exploitant à fond le thème de l'immigration. Jusqu'à la nausée, selon ses détracteurs. Jusqu'à la victoire, peut jubiler Nigel Farage.
Une victoire qu’il décide de savourer, désormais loin des projecteurs… mais aussi des responsabilités, maintenant que la Grande-Bretagne doit assumer les conséquences des résultats du référendum sur le Brexit.