Réchauffement climatique : "La France ne fait pas sa part"

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Romain David
Invités de Wendy Bouchard sur Europe 1, le climatologue Jean Jouzel et l'économiste Pierre Larrouturou se sont penché lundi sur les pistes qui permettraient à la France et à l'Europe de reprendre le leadership en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
LE TOUR DE LA QUESTION

Après le départ fracassant de Nicolas Hulot, l'écologie peut-elle revenir sur le devant de la scène par la force de la rue ? La grande Marche pour le climat a revendiqué 100.000 participants samedi dans tout le pays, dont la moitié à Paris. "Ce qui m'a poussé à y aller c'est la démission de Hulot qui, tout proportion gardée, m'a un peu fait peur", a témoigné lundi Christophe au micro de Wendy Bouchard sur Europe 1. Alors que l'ex-ministre de la Transition écologique a déploré au moment de son départ la pression du court terme et le fossé entre les déclarations d'intention et les actes, le climatologue Jean Jouzel et l'économiste Pierre Larrouturou plaident lundi, dans Le Tour de la question, pour la nécessité d'un sursaut, à la fois en France et en Europe.  

Entendu sur europe1 :
Ça n'est pas que l'on va trop lentement, c'est que l'on va dans le mauvais sens

Nicolas Hulot l'a répété au moment de prendre la porte : son budget pour rénover l'isolation thermique des bâtiments - une mesure phare pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre - a été divisé par deux. Cette décision apparaît comme symptomatique de l'écart entre la volonté affichée de lutter contre le réchauffement climatique et les décisions finalement prises. "Nos décideurs comprennent, s'appuient sur le diagnostic de la communauté scientifique, mais il y a ce fossé qui se crée entre les textes et la réalité que nous vivons", commente Jean Jouzel. "Il faut faire la guerre au dérèglement climatique, cela suppose un budget", ajoute Pierre Larrouturou. C'est bien là le nerf de la guerre : dégager des fonds à l'heure des restrictions budgétaires, et d'autant plus vite que la maison brûle.

"Si l'on veut stopper le dérèglement climatique il faut tranquillement, mais fortement, baisser de 3% nos émissions de gaz à effet de serres", rappelle le fondateur de Nouvelle Donne. "Et pourtant, l'année dernière, nous n'avons pas fait moins de 3% mais plus de 3%. Nos émissions ont augmenté ! Ça n'est pas que l'on va trop lentement, c'est que l'on va dans le mauvais sens", déplore-t-il. "La France ne fait pas sa part". Ni l'Europe d'ailleurs qui, à l'échelle des 28, a enregistré une augmentation de 1,8% des émissions de CO2 en 2017 par rapport à 2016.

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

Réconcilier économie et écologie

Il faut dire qu'à trois mois de la conférence mondiale de Katowice en Pologne (COP24) sur les changements climatiques, l'accord de Paris n'a jamais autant semblé lettres mortes. Le retrait annoncé des Etats-Unis, deuxième pays émetteur de dioxyde de carbone derrière la Chine, a jeté un froid polaire sur la belle euphorie qui a suivi en 2015 la signature de ce premier accord universel sur le climat. "Ce n'est pas parce que Donald Trump fait semblant de ne rien comprendre, est au main des lobbies, que l'Europe ne doit pas prendre sa part. L'Europe est quand même la première puissance économique mondiale", plaide Pierre Larrouturou.

Pour l'économiste, l'Union doit battre en brèche un "découragement monstrueux" et reprendre l'initiative. Et alors que les pays en développement se sont insurgés dimanche contre les occidentaux lors d'une réunion préparatoire à la COP24 à Bangkok, leur reprochant d'entretenir le flou autour du financement des initiatives destinées à prévenir le réchauffement climatique, Pierre Larrouturou milite carrément pour la création d'une banque européenne du climat.

Entendu sur europe1 :
Je suis convaincu que ceux qui prendront le leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique seront à moyen-long terme économiquement gagnants 

"Quand la Banque centrale européenne (BCE) génère 2.500 milliards de liquidités (depuis mars 2015, ndlr) et que l'essentiel va à la spéculation, ça n'est pas normal. À côté de la BCE, on veut créer une banque du climat qui sera là pour financer tous les pays. La France et l'Allemagne sauront qu'elles ont des financements à taux zéro pour isoler les bâtiments, investir dans les transports en commun et aider les agriculteurs", énumère-il.

Et Jean Jouzel de rappeler que la transition écologique est aussi un enjeu économique : "Je suis convaincu que ceux qui prendront le leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique, et plus généralement dans les problèmes environnementaux, seront à moyen-long terme économiquement gagnants". Pour reprendre l'exemple des rénovations thermiques en France, la bonne conduite de ce projet permettrait de créer 126.000 emplois à temps plein d'ici 2025, à en croire une étude de 2017 réalisée par l'initiative "Rénovons".