On l'avait surnommé "le Boucher des Balkans". Ratko Mladic, 74 ans, est poursuivi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre lors de la guerre de Bosnie. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) doit rendre son verdict mercredi. Il répond de onze chefs d'accusation, notamment pour son rôle dans le siège de Sarajevo et le massacre de Srebrenica durant la guerre de Bosnie, où plus de 8.000 hommes et adolescents bosniaques (musulmans) avaient été tués.
Une ville figée. Vingt-deux ans après les faits, le passé est encore très présent et l'atmosphère très pesante à Srebrenica. Tout semble figé. Les maisons portent encore les impacts de balles ou les trous d'obus. La commune ressemble à une ville fantôme où vivent pourtant 2.500 personnes, des survivants du massacre pour beaucoup. C'est le cas de Djilé, qui a échappé aux forces Serbes en se cachant pendant deux mois dans la forêt. : "J'ai passé 72 jours dans la forêt. Ça a décidé après toute ma vie. Car quand je marche dans la forêt ou n'importe où, la première chose à laquelle je pense c'est la mine", explique-t-il. Ici, chacun vit avec sa peur. Et chaque histoire personnelle semble reliée à une angoisse.
D'innombrables corps sans nom. Car Srebrenica, c'est un massacre donc, mais aussi la découverte des charniers. D'innombrables corps sans nom. Aujourd'hui, 2.000 personnes manquent toujours. Et certains habitants se débattent depuis 22 ans avec les démarches administratives ou les recherches d'indices. Comme Noura, qui n'espère évidemment pas retrouver son frère vivant mais aimerait seulement pouvoir l'identifier. "C'est très dur quand je me rends au mémorial. Il y a 6.000 tombes alignées devant moi, celles de victimes identifiées et enterrées là. Pour leurs familles, c'est plus facile. Elles savent où sont enterrés leurs proches, pas moi. Pour moi, l'histoire n'est pas terminée", confie-t-elle.
Pour de nombreux Serbes, Mladic est innocent. Chez les Serbes, la situation est différente. Les mentalités ont peu évolué. Ainsi, à moins de dix kilomètres de Srebrenica, à Bratunac, le fief de Ratko Mladic pendant la guerre civile, certains croient encore en l'innocence du "Boucher des Balkans": "Je respecte Ratko Mladic. Pour moi, il est innocent. J'espère qu'il sera acquitté. D'autres personnes ont tué sur le terrain. Lui n'était pas sur le terrain, il commandait les troupes", explique l'un d'eux. "Tous les responsables politiques font des erreurs. Il en a peut-être fait, mais pourquoi ce tribunal international ne juge que des Serbes. Ce tribunal n'est pas neutre. Je suis Serbe comme lui, alors je ne peux rien dire d'autre que 'Il est innocent'", ajoute un autre.
Mais Ratko Mladic compte aussi des soutiens à Srebrenica, même si ces derniers se livrent moins facilement. Résultat : les deux communautés vivent au même endroit, travaillent ensemble dans des bureaux, mais au-dehors, elles ont des vies totalement séparées.
Quel bilan pour la Justice Pénale Internationale
Lorsque le tribunal chargé de juger les crimes en ex-Yougoslavie est créé, ces crimes sont en train d'être perpétrés. En 1991, la guerre fait rage en Bosnie, l'artillerie serbe pilonne Sarajevo. Comment croire alors à la justice et au respect des droits ? Pourtant, aujourd'hui, le tribunal a inculpé 161 personnes et prononcé 83 condamnations. Parmi eux, plusieurs responsables de la purification ethnique et le plus emblématique Radovan Karadzic, reconnu coupable pour son rôle dans le massacre de 8.000 musulmans à Srebrenica. La détermination des enquêteurs a également permis d'arrêter le Serbe Slobodan Milosevic. C'est alors la première fois qu'un chef d'Etat en exercice est inculpé.
Mais le tribunal n'est pas exempt de reproches pour autant. On lui reprochera sa lenteur. Ainsi, Milosevic meurt en cellule pendant son procès. C'est le cas d'autres accusés également. Plusieurs acquittements sont aussi controversés. Malgré tout, le premier né des tribunaux internationaux a ouvert la voie, grâce à des héros, les survivants qui ont survécu des heures dans une fosse commune et sont venus affronter les coupables.