Ce fut la journée la plus meurtrière dans la bande de Gaza depuis la guerre de 2014 : vendredi, au moins 17 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens au premier jour de "la grande marche du retour", une manifestation d’un mois et demi en hommage aux Palestiniens chassés de leurs terres en 1948 et qui est soutenue par les islamistes du Hamas. Depuis, la communauté internationale s'est emparée du sujet et le ton est monté entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président de l’État hébreu, Benjamin Netanyahou, qualifié par le premier de "terroriste".
Que s’est-il passé vendredi à Gaza ?
Tout a commencé très tôt, vendredi. Dans la nuit, un agriculteur palestinien de 27 ans a été tué par des tirs israéliens alors qu’il se trouvait sur ses terres, près de la frontière avec Israël. "Deux suspects se sont approchés de la barrière de sécurité dans le sud de la bande de Gaza et ont commencé à agir de façon suspecte", s’est expliquée l’armée israélienne. Ces tirs sont intervenus à l’aube de la "Journée de la terre", un hommage annuel rendu à six Arabes israéliens tués en 1976 lors de manifestations contre la confiscation de terres.
Vendredi coïncidait aussi avec le début de la "grande marche du retour", une mobilisation soutenue par le Hamas pour dénoncer le fait que des centaines de milliers de Palestiniens aient été chassés de leurs terres lors de la création de l’État d’Israël, en mai 1948. Des milliers de Gazaouis se sont approchés de la frontière, geste qui a suscité une violente riposte de l’armée israélienne. Selon le dernier bilan disponible, 17 Palestiniens ont été tués et 1.400 personnes blessées, selon le ministère de la Santé. Chacun des camps a sa version des faits : l'armée israélienne assure avoir utilisé des balles réelles contre des individus qui jetaient des pierres et d'autres projectiles en direction des soldats, ce que démentent les manifestants palestiniens. À Gaza, Israël a aussi frappé trois positions du Hamas en "représailles" à la "tentative d’attaque" des Palestiniens à la frontière.
Comment a réagi la communauté internationale ?
En fin de journée, vendredi, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies s’est tenue à New York, aux États-Unis. Les Américains ont bloqué le projet de déclaration : l’ONU devait appeler à la "retenue" et demander une enquête sur ces affrontements. Antonio Guterres, le secrétaire général de l’institution, et Federica Mogherini, la représentante de la diplomatie européenne, ont malgré tout demandé une "enquête indépendante et transparente" sur l’utilisation de balles réelles.
Comment se défend Israël ?
Sans surprise, Israël a rejeté l’enquête, samedi, qualifiant même "d’hypocrites" les appels à ouvrir une enquête indépendante : "Il n'y aura pas de commission d'enquête", a déclaré à la radio publique israélienne le ministre de la Défense, Avigdor Liebermann. "Il n'y aura rien de tel ici, nous ne coopérerons avec aucune commission d'enquête". De son côté, Benjamin Netanyahou a félicité l'armée pour avoir "protégé les frontières du pays". "Bravo à nos soldats", a-t-il écrit dans un communiqué. "Israël agit fermement et avec détermination pour protéger sa souveraineté et la sécurité de ses citoyens."
Pourquoi le ton monte-t-il entre Israël et la Turquie ?
Des critiques qui se sont élevées contre ces tirs envers des manifestants palestiniens, celle d’Ankara fut de loin la plus violente. Après avoir dénoncé une "attaque inhumaine", Recep Tayyip Erdogan a traité Benjamin Netanyahou de "terroriste" lors d’une allocution télévisée : "Hé Netanyahu ! Tu es un occupant ! Et c'est en tant qu'occupant que tu es sur ces terres. En même temps, tu es un terroriste". Benjamin Netanyahou n’a pas tardé à riposter au dirigeant turc : "Erdogan n’a pas l’habitude qu’on lui réponde, il devrait commencer à s’y faire. Lui qui occupe le nord de Chypre et la région kurde tout en massacrant des civils à Afrine ne devrait pas nous sermonner sur la moralité et les valeurs."
PM Netanyahu: Erdogan is not used to being talked back to. He should start getting used to it. He who occupies Northern Cyprus and the Kurdish region and butchers civilians in Afrin should not lecture us about morality and values.
— PM of Israel (@IsraeliPM) 1 avril 2018
Une guerre des mots qui n’est pas nouvelle entre les deux pays, notamment opposés sur la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël, intervenue en décembre.
Les manifestations vont-elles continuer ?
Si elles ont baissé en intensité, les manifestations d’habitants de la bande de Gaza se poursuivent, lundi. Quelques dizaines de jeunes Palestiniens ont dressé des tentes près d'Erez, un point de passage vers Israël. Et alors que la zone frontalière est relativement calme, les tensions pourraient être ravivées lors de la prière musulmane, vendredi. Elles pourraient se manifester par de nouveaux affrontements d’ici au 15 mai, date de la fin de la "grande marche du retour" et de la commémoration de la "Naqba", catastrophe en arabe, qui correspond à la création de l’État d’Israël en 1948. Mi-mai, c’est aussi la date approximative du transfert très critiqué de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui n'est pas de nature à apaiser la situation diplomatique de la région.