Un mouvement ne s'inscrit dans la durée que s'il s'organise et se donne des chefs, mais aussi s'il a une stratégie, un mot d'ordre unificateur. C'est ce que les "gilets jaunes" sont en train de faire avec le "référendum d'initiative citoyenne" (RIC). C'est en partie l'oeuvre d'Etienne Chouard, 61 ans, professeur d'économie à Marseille, et un peu connu pour porter depuis plusieurs années un projet de constitution alternatif à celle de la Cinquième République.
La mainmise d'un complotiste
Début décembre, Etienne Chouard a contacté l'une des figures du mouvement : Maxime Nicolle, un militant conspirationniste qui a estimé que l'attentat de Strasbourg avait été instrumentalisé par le gouvernement. Dans une vidéo postée le 6 décembre, ce dernier explique être intéressé par le référendum d'initiative citoyenne. Le 8 décembre, les deux hommes tiennent finalement une conférence commune devant des "gilets jaunes". Moins d'une semaine plus tard, le mouvement apparaît, de manière assez spectaculaire, unifié derrière le RIC. De Lille à Bayonne, de Brest à Perpignan, tous les "gilets jaunes" veulent désormais le référendum d'initiative citoyenne. C'est intelligent : cette revendication commune met de côté ce qui les divise puisque le référendum concentre tout.
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Une question demeure : qui est vraiment Etienne Chouard ? Sur son blog, il dénonce "la pourriture politicienne généralisée" et "la criminalité politique qui dirige la France". Cet homme "modéré" a pour obsession l'Union européenne qu'il qualifie de "piège fasciste antisocial". Il soutient que les banques contrôlent l'UE, et ajoute : "Tant pis si l'on me prend pour un complotiste". Il a, dans une vidéo, cette phrase curieuse : "les mêmes qui voulaient Hitler ont voulu l'Union européenne".
Un glissement du mouvement vers l'extrême-droite
Cette prise en main du mouvement par Etienne Chouard, qui a été associé à la rédaction du texte que deux "gilets jaunes" ont prononcé jeudi devant la salle historique du Jeu de Paume à Versailles, traduit une dérive du mouvement. On voit sur les réseaux sociaux de plus en plus de demandes de Frexit, ou des dénonciations de "l'euro-Reich", c'est-à-dire de la soi-disant mainmise des Allemands sur l'euro. Il faudrait donc retourner au franc, ce que réclamait Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle.
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Bien évidemment, l'immense majorité des "gilets jaunes" n'a pas conscience de ces glissements et se concentre toujours sur les problèmes de pouvoir d'achat. Toutefois, en refusant de s'organiser, ils laissent la place à un complotiste, Maxime Nicolle, à un putschiste, Eric Drouet, et à un extrémiste : Etienne Chouard. Le premier référendum d'initiative citoyenne devrait peut-être avoir lieu au sein des "gilets jaunes" : "approuvez-vous toujours l'évolution du mouvement ?"