Il regrette une "erreur", mais l'explique par la "violence" subie par les "gilets jaunes" lors des manifestations. L'ex-boxeur Christophe Dettinger s'exprimait mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris, où il est jugé pour avoir violemment frappé deux gendarmes le 5 janvier.
Un gendarme présent, l'autre "pas en état". Mercredi, à son arrivée dans la salle d'audience, le "boxeur", cheveux ras et fine moustache, a les traits tirés. Sur les bancs de la défense, ses avocats ont reçu le renfort d'Henri Leclerc, doyen des pénalistes et inlassable défenseur des libertés. En face, un seul des deux gendarmes frappés lui fait face, sanglé dans son uniforme, képi à la main, assis devant ses avocats. Son collègue, toujours en arrêt, "n'est pas en état" de se présenter, expliquent ses avocats.
Jérôme Rodrigues venu en soutien. À l'extérieur, Jérôme Rodrigues, blessé à l’œil lors d'une manifestation le 26 janvier et devenu un emblème du combat contre les violences policières, est venu apporter son "soutien" au prévenu. Peu avant la comparution de Christophe Dettinger, il a annoncé mercredi dans un post Facebook avoir "perdu son œil".
Projection de vidéos amateur. Écroué dans l'attente de son procès, Christophe Dettinger, ancien champion de France 2007 et 2008 des lourds-légers, doit répondre de "violences volontaires en réunion sur personnes dépositaires de l'autorité publique", un délit passible de sept ans d'emprisonnement. L'audience démarre avec la projection de vidéos amateur, devenues virales. On voit ce père de famille de 37 ans, fonctionnaire territorial en Essonne, asséner une série de coups de poing à un gendarme sur une passerelle surplombant la Seine et en frapper un autre, jeté au sol.
"Quand je vois une injustice, je réagis". "Je cherche ma femme, je vois des coups de matraque de gendarmes donnés à des 'gilets jaunes'. Bam, bam, bam. Je ne comprenais pas. Je vois une dame au sol, un coup de pied et un coup de matraque levée, c'est là que je me jette sur le gendarme et je tape", a-t-il dit d'une traite, très calme. "Vous êtes en colère ?", demande la présidente. "Je défends cette dame au sol. Quand je vois une injustice, je réagis. Tout est allé très, très vite", répond-il.
Dettinger fait part de sa "honte". Un débat s'engage pour savoir si un des gendarmes a ou pas donné un coup de pied à une femme à terre. Cette dernière, petit gabarit et cheveux fuschia, viendra à la barre confirmer qu'elle a "pris des coups". "Je me suis mise en boule. J'avais peur de perdre mon dentier. Ben oui, j'ai un dentier à 37 ans", dit-elle, relevant la tête vers la présidente. La présidente concède que Dettinger "a pu penser" qu'il y avait eu un coup de pied ou de matraque. "Oui, madame le président. Il y a une colère extrême qui est montée et voilà", dit Christophe Dettinger, qui a "honte, tellement honte".
"J'aurais dû juste pousser". Le procureur veut savoir l'effet que cela lui fait de voir un homme à terre être roué de coups. "Ce n'est pas une belle image. En voulant empêcher une injustice, j'en ai créé une autre", répond le "boxeur". Comme dans les matches de boxe, "il y a des règles dans la vie", assène le procureur. "Cela faisait huit manifs qu'il n'y avait pas de règle", rétorque le prévenu, avant d'ajouter, encore, qu'il regrette. "J'aurais dû juste pousser."
Pourquoi les choses dégénèrent sur cette passerelle surplombant la Seine en marge de "l'acte 8" de la contestation sociale ? Le prévenu explique que les "gilets jaunes" étaient comme pris dans une nasse, avec des issues bouchées et la passerelle pour seul débouché.
Le gendarme nie avoir donné des coups de matraque. À la barre, l'un des gendarmes frappés explique qu'il avait été positionné sur le premier tiers de la passerelle et non au bord pour éviter de devoir utiliser des troupes pour garder un escalier qui menait à la passerelle. "Économie d'effectifs". Il nie avoir donné des coups de matraque comme le prétend Christophe Dettinger, dont les poings l'ont fait vaciller à plusieurs reprises, alors qu'il avait reçu l'ordre de reculer. Le "boxeur" répète qu'il n'est pas un "sale gitan, un casseur de flic", mais qu'il a "tapé ceux qui avaient tapé". Trois ans de prison, dont un avec sursis, ont été requis.