Le système éducatif permet-il réellement l'égalité des chances ? C'est la question que posent les sociologues François Dubet et Marie Duru-Bellat dans leur ouvrage intitulé L’école peut-elle sauver la démocratie ? Dans ce livre publié au Seuil, les auteurs regrettent notamment que le système actuel, malgré son ambition méritocratique, laisse trop d'élèves au bord du chemin. Invités lundi d'Europe 1, ces deux spécialistes ont détaillé leur diagnostic, et appelé notamment à donner moins de poids aux diplômes.
"Il faudrait revoir la façon dont on définit le mérite scolaire et qu'est ce qui fait qu'on est un bon élève", démarre Marie Duru-Bellat, qui note qu'il y a "plus d'inégalités entre les élèves qu'entre les adultes". Pour la sociologue, "le mérite scolaire est extrêmement étroit, et c'est pour ça qu'il est traumatisant". "Les petits qui ont du mal en CP seront vite bloqués (...) on va le retrouver sur le marché du travail", dit-elle encore.
"Un jeune qui rate sa scolarité va le porter toute sa vie"
Ce système "a un impact considérable sur l'emploi", abonde François Dubet, pour qui "il n'est peut-être pas nécessaire que les diplômes soient aussi déterminants que ça. Il y a d'autres formes de mérite". Selon lui, "les élèves qui ont gagné le match scolaire adhèrent aux valeurs positives de l’école, comme la démocratie, la tolérance, l'ouverture au monde, et ceux qui ont échoué s'en méfient de plus en plus". Cette situation aboutit aujourd'hui à "une sorte de tension très forte".
Faut-il alors y avoir un échec de l'école républicaine ? "Au bout de 60 ans de massification scolaire, on s'aperçoit que la promesse d'une société plus confiante et plus démocratique n'a pas été un triomphe absolu", constate en tout cas François Dubet. Et les deux sociologues de proposer quelques pistes pour faire évoluer ce modèle, comme "donner moins de poids au diplôme pour toute la vie". Car, regrette Marie Duru-Bellat, "un jeune qui rate sa scolarité à 15 ans va le porter toute sa vie. On est un des pays où le lien entre les diplômes et les emplois est le plus étroit".
"Il faut regarder de plus près le lien diplôme-emploi, d'autres modalités de formation", ajoute François Dubet, et "faire en sorte que la scolarité puisse se déployer avec plusieurs expériences au cours d'une vie". Avant d'appeler à "s'intéresser aux élèves individuellement". "Ils sont dans des conditions si différentes que les traiter comme une masse homogène devient facteur d'injustice considérable".
>> Retrouvez l'intégralité de l'entretien de Marie Duru-Bellat et François Dubet ci-dessous