Malgré le lancement du "grand débat", destiné à apaiser la contestation, les samedis de mobilisation des "gilets jaunes" se poursuivent. Mais ce week-end, la journée la plus importante de la semaine pour le mouvement s'annonce un peu différente : en plus des revendications portant sur le pouvoir d'achat et la représentation citoyenne, elle aspire à rendre hommage aux "gueules cassées", blessées en marge de précédentes manifestations. Europe 1 fait le point sur ce que l'on peut attendre de l'événement, à Paris comme en province. Plusieurs milliers de personnes sont notamment attendues à Valence, dans la Drôme.
À quoi s'attendre à Paris ?
Au sein de la capitale, les "gilets jaunes" appellent une "marche blanche", dans le "calme", en hommage "aux blessés et aux mutilés de la violence policière". Des manifestants réclameront l'interdiction des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) et de l'usage des grenades lacrymogènes GLI-F4 ou de désencerclement, à l'origine de graves blessures depuis le début du mouvement. "Il est temps que ces violences cessent et que ces armes de guerre ne soient plus utilisées dans le cadre du maintien de l'ordre", a déclaré mercredi lors d'une conférence de presse Me Arié Alimi, avocat de plusieurs de ces blessés. La manifestation, déclarée en préfecture, doit partir à 12 heures de la place Daumesnil, dans le 12ème arrondissement, selon un événement Facebook baptisé "Acte 12 L'ImPaCt". Les participants sont appelés à venir "déguisés" en blessés, avec notamment de faux bandages sur les yeux.
Et dans les régions ?
À Marseille, il sera aussi question des "gueules cassées" du mouvement : les "gilets jaunes" ont prévu en prélude au défilé sur le Vieux port, l'érection d'un "mur de la honte" en souvenir des 14 personnes mortes (11 en France, 3 en Belgique) en marge des manifestations depuis le 17 novembre. Des "gilets jaunes" se rassembleront également samedi à Nancy "contre les violences policières", et dimanche à Nantes en hommage aux blessés.
Des appels aux habituelles manifestations du samedi - en baisse le week-end dernier, avec 69.000 personnes mobilisées - ont également été diffusés cette semaine. À Bordeaux, les manifestants sont invités à se rassembler en début d'après-midi, tout comme à Rouen ou à Caen. A Toulouse, les "gilets jaunes" innovent ce week-end, en ordre dispersé, certains affichant le souhait de sortir du cercle vicieux des manifestations avec violences des samedis précédents. Une assemblée citoyenne est ainsi prévue dimanche pour "structurer le mouvement" dans une salle prêtée par la municipalité.
Dans la Drôme, l'acte 12 sera marqué par une importante manifestation à Valence, où l'appel à une "marche régionale" rassemblant tous les "gilets jaunes" d'Auvergne-Rhône-Alpes compte plusieurs milliers d'intéressés sur Facebook. "On nous parle de 10.000 manifestants, dont une proportion de 10% de casseurs, selon le renseignement intérieur", a affirmé vendredi sur Europe 1 Nicolas Daragon, le maire LR de la ville, où seulement 700 personnes étaient rassemblées samedi dernier. "Il y a de vraies craintes, le phénomène peut ressembler à ce qu'il s'est passé à Bourges (le samedi 12 janvier, NDLR). On est dans une ville qui va être mise sous cloche avec un danger qui existe.". La préfecture a décidé d'établir un périmètre fermé "assez large" dans le centre-ville, avec des contrôles d'identité sur les points d'accès, et a recommandé aux commerçants de baisser le rideau samedi.
Quel dispositif de sécurité ?
"Face au risque de violence, il faudra déployer un dispositif important", a indiqué Christophe Castaner lors d'une conférence de presse, vendredi après-midi, évoquant un nombre de forces de l'ordre comparable à celui du week-end dernier. Confirmant que Valence serait "l'un des points sur lesquels il y aura des forces de l'ordre particulièrement mobilisées", le ministre de l'Intérieur a aussi exprimé sa crainte que des "groupes très à gauche" ne veuillent se livrer à un "match retour" à Paris, où des violences ont éclaté samedi dernier.
Les forces de l'ordre pourront en outre faire usage du lanceur de balles de défense (LBD) : saisi en urgence par la CGT et la Ligue des droits de l'homme, le Conseil d'Etat a rejeté les demandes de suspension du recours à cette arme non létale, vendredi. Utilisé plus de 9.200 fois depuis le début du mouvement, le LBD est à l'origine de nombreuses blessures graves, dont 20 ont été éborgnées, selon le collectif militant "Désarmons-les". Constatant ces faits, le Conseil d'Etat a cependant jugé que le risque de réitération "d'actes de violences et de destruction" au cours des manifestations à venir, dont celle de samedi, "rend nécessaire" de permettre le recours ces armes, "qui demeurent particulièrement appropriées pour faire face à ce type de situations". Les caméras piétons seront à nouveau employées par les forces de l'ordre pour filmer les recours au LBD, a précisé Christophe Castaner. Les dispositions de la loi "anticasseurs", qui prévoit notamment des comparutions immédiates facilitées et consacre le principe du "casseur-payeur", devraient elles être adoptés lors d'un vote solennel de l'Assemblée nationale mardi.