Le lancement du "grand débat national", censé canaliser deux mois de colère sociale, n'y aura rien fait. Samedi, les "gilets jaunes" sont restés mobilisés partout en France, lors d'une dixième journée d'action marquée par une participation record à Toulouse et des heurts dans plusieurs villes.
Une mobilisation stable
Comme samedi dernier, le ministère de l'Intérieur a recensé 84.000 manifestants en France. À Paris toutefois, la mobilisation a accusé un léger recul avec 7.000 manifestants contre 8.000 la semaine précédente. Dans la capitale, 42 personnes ont été interpellées, très loin des centaines d'arrestations des manifestations de décembre. Trente-six d'entre elles, dont deux mineurs, ont été placées en garde à vue, a appris Europe 1 auprès du parquet. Ailleurs en France, 49 personnes ont été interpellées à Bordeaux, et 24 à Toulouse, où les façades de l'hôtel de ville ont été taguées et des vitrines d'agences bancaires détériorées.
Ce chiffrage est chaque semaine contesté par les manifestants et certains ont mis en place leur propre système de comptage baptisé "le nombre jaune", au résultat plus élevé. Côté sécurité, 80.000 policiers et gendarmes étaient déployés un peu partout sur le territoire, dont 5.000 à Paris. Outre les revendications sur le pouvoir d'achat, cet "acte 10" de la mobilisation des "gilets jaunes" était aussi placée sous le signe de la colère face à la violence policière, amplement dénoncée ces derniers jours.
À Paris, une manifestation sans heurts majeurs
En régions et dans la capitale, les défilés se sont dans l'ensemble déroulés sans heurts majeurs. À Paris, un cortège d'un millier de "gilets jaunes" s'est élancé à la mi-journée depuis la place des Invalides. Dans le froid, les manifestants étaient rassemblés dans une ambiance bon enfant. C'est aux cris de "Macron démission" et après avoir repris "La Marseillaise" que le cortège s'est ébranlé. Le parcours : un aller-retour de 14 kilomètres entre Invalides et la place d'Italie, le long duquel se situent de nombreux ministères et lieux de pouvoirs. Comme la semaine dernière, les "gilets jaunes" ont encadré la manifestation en mettant en place leur propre service d'ordre.
Photo AFP.
Après le chaos des Champs-Élysées en décembre, le boxeur contre des gendarmes ou des motards de la police violemment pris à partie à Paris, pas d'images marquantes ce samedi. Les premières échauffourées ont démarré dans l'après-midi, près de la place des Invalides. Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et de canon à eau contre les manifestants qui jetaient des bouteilles et des pavés. Les rues adjacentes, menant aux ministères et autres institutions, étaient bloquées par des cordons de policiers et gendarmes. Vers 18 heures, la situation est largement revenue à la normale.
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Quelques échauffourées en régions et une mobilisation record à Toulouse
À Toulouse, la mobilisation a atteint un record, samedi, avec 10.000 manifestants selon la préfecture. Loin devant Paris (7.000 manifestants) et Bordeaux (4.000 manifestants), où le mouvement est pourtant très suivi depuis le 17 novembre. Samedi dernier, la Ville rose avait déjà battu un record avec 6.000 manifestants officiellement recensés par la préfecture. L'une des figures du mouvement, Maxime Nicolle alias "Fly Rider" a participé au défilé auquel quelques dizaines de syndicalistes CGT se sont joints.
Petit-déjeuner solidaire. Ailleurs, quelques initiatives avaient été mises en place, comme une opération "péage gratuit" à Avignon ou un petit-déjeuner solidaire servi sur le parvis de la gare du Mans. À Lyon, le millier de "gilets jaunes" a défilé sur les quais du Rhône mais a été empêché d'accéder à l'hypercentre commerçant.
Des affrontements avec les forces de l'ordre à Bordeaux. À Dijon, une cinquantaine de "gilets jaunes", qui s'étaient séparés du cortège principal, ont pénétré "dans le périmètre de la prison" pour demander la "libération de leurs camarades" avant de repartir d'eux-mêmes, a indiqué la préfecture. À Rouen, 15 personnes ont été interpellées. Du côté de Bordeaux, quelque 4.000 "gilets jaunes" ont défilé dans le centre de la ville pour "l'acte 10" qui s'est terminé, comme les précédents, par de violents affrontements avec les forces de l'ordre et 49 interpellations.
Le cortège de "gilets jaunes" à Bordeaux. Photo AFP.
Fake News. À Rennes, où 2.000 personnes étaient dans le rues, une femme, victime d'un malaise, a été évacuée par le Samu, ont indiqué des journalistes. Mais rapidement, une fausse information indiquant qu'une manifestante était morte a commencé à circuler sur les réseaux sociaux. La préfecture d'Ille-et-Vilaine a démenti cette "fake news", indiquant que cette personne avait été évacuée par les secours "en urgence relative". "Elle est asthmatique et les lacrymogènes ont déclenché une crise", a indiqué le directeur de cabinet de la préfecture.
Des barricades à Angers. Ailleurs, les manifestations ont parfois été émaillées d'échauffourées ou ont dégénéré lors de leur dispersion comme à Nancy, Angers, Toulon ou Rennes. À Toulon, des affrontements ont ainsi éclaté aux abords du stade Mayol, où le RC Toulon affrontait les Écossais d'Edimbourg en coupe d'Europe de rugby. Quatre personnes ont été interpellées et un manifestant blessé à l'œil par un lanceur de balles de défense. À Angers, où des barricades ont été érigées, la préfecture a fait état d'une tentative d'incendie contre la Banque de France et des dégradations sur le chantier du tramway.
Une colère intacte face à la violence policière
Réticent face à la revendication des "gilets jaunes" qui réclament partout l'instauration d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC), le président a défendu lors de deux déplacements cette semaine en région son "grand débat national", articulé autour de quatre thèmes: pouvoir d'achat, fiscalité, démocratie et environnement. "Je veux juste plus de démocratie", "Macron, ton compte est bon", "RIC !" ont répondu les pancartes dans les rues.
Dans la capitale comme en région, la colère était toujours intacte face à la violence policière, dénoncée ses derniers jours, et à l'injustice sociale. Depuis le début du mouvement le 17 novembre, plus de 1.800 "gilets jaunes" ont été blessés, selon une source policière samedi soir. En fin de journée, Christophe Castaner a salué dans un tweet "l'action des forces de l'ordre à nouveau mobilisées partout en France" et a condamné "sans réserve des dégradations commises à Rennes, Bordeaux, Toulouse... et des violences à nouveau perpétrées contre des journalistes".
Je salue l’action des forces de l’ordre à nouveau mobilisées partout en France pour garantir l’ordre républicain.
— Christophe Castaner (@CCastaner) 19 janvier 2019
Condamnation sans réserve des dégradations commises à Rennes, Bordeaux, Toulouse...et des violences à nouveau perpétrées contre des journalistes. pic.twitter.com/gA8Q2RSvUH
"Stop aux massacres" affichait une pancarte à Dijon ; "Castaner le boucher, France mutilée", a crié la foule à Toulouse, visant le ministre de l'Intérieur qui a défendu vendredi l'utilisation par les forces de l'ordre du lanceur de balles de défense controversé LBD. La mobilisation doit se poursuivre dimanche dans plusieurs villes. Des femmes "gilets jaunes" appellent à une manifestation à Paris, inspiré par l'événement pacifique qu'elles avaient déjà organisé le 6 janvier.
Un rassemblement de journalistes en colère à Paris
Ils disent non à la violence et oui au droit d'informer. L'association Reporters sans frontières a initiée une pétition et organisé un rassemblement sur la place de la République de Paris, samedi, pour défendre la liberté d'informer et dénoncer les violences survenues lors des dernières journées de mobilisation des "gilets jaunes".