Des nouveautés et un sursaut : "l’acte 9" de la mobilisation des "gilets jaunes" samedi a pris une nouvelle tournure. 84.000 manifestants ont été recensés dans toute la France, alors qu’ils étaient 50.000 la semaine précédente. Ce vif rebond de la mobilisation, à trois jours du "grand débat national", s’est accompagné de tensions moindres que les derniers week-ends. Pour la première fois, un service d’ordre a été mis en place par les "gilets jaunes", soucieux de donner une autre image d'eux que celle de casseurs.
La mobilisation connaît un sursaut
La mobilisation de cet "acte 9" a connu un vif rebond : 84.000 personnes ont manifesté dans toute la France samedi, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. La semaine dernière, ils étaient 50.000 à battre le pavé, et 32.000 la semaine auparavant. En comparaison, la mobilisation du jour a même dépassé celle de "l’acte 5", le 15 décembre, où 66.000 personnes avaient été décomptées. Le cortège le plus important était celui de Paris, qui a compté 8.000 personnes, suivi de ceux de Bordeaux, Bourges et Toulouse, avec 6.000 participants chacun. Selon les autorités, ils étaient aussi 2.500 à Rouen, 2.500 à Caen, 2.300 à Saint-Brieuc, 1.500 à 2.000 à Perpignan, 1.500 à Strasbourg, 1.200 à Saint-Etienne, 1.800 à Lyon...
Bourges, épicentre de la mobilisation. Nouveauté de cet "acte 9" : un rassemblement a eu lieu à Bourges, à l’appel de plusieurs figures du mouvement, en raison de la situation centrale de cette ville du Cher, "à une distance équivalente des grandes villes" de l'Hexagone. 6.000 personnes y ont ainsi convergé, dont beaucoup de retraités. "On est là parce qu’Emmanuel Macron n’augmente pas notre retraite", a lancé à Europe 1 Éliane, 80 ans. "Sur les retraites, il faut voir ce qu’ils nous piquent", abonde son mari à notre micro. L'ambiance bon enfant du défilé a été perturbée quand 500 personnes ont pénétré dans le centre-ville où tout rassemblement était interdit, causant quelques échauffourées avec les forces de l'ordre.
Des heurts contenus
Si plusieurs manifestations ont été également émaillées de heurts, notamment à Paris, Bordeaux, Toulouse, et Caen, les violences ont été globalement moins nombreuses que les semaines précédentes. Au total, 244 personnes ont été interpellées, dont 201 ont été placées en garde à vue, selon le ministère de l'Intérieur. "Les violences ont pu être contenues grâce à un dispositif important, mobilisant 80.000 membres des forces de sécurité intérieure, axé sur la mobilité, la réactivité et la capacité à interpeller, qui a fait la démonstration de son bien-fondé", s'est félicité le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, dans la soirée.
Le cortège parisien s'est fini par quelques heurts, place de l'Etoile. ©AFP
Les médias toujours pris pour cible. Le ministre a toutefois condamné sur Twitter les agressions dont ont été victimes des journalistes, notamment à Paris, Rouen et Toulon. "Dans notre démocratie, la presse est libre. Dans notre République, la liberté d'informer est inaliénable. Violenter des journalistes, c'est attenter à l'une et à l'autre", a-t-il écrit. Une journaliste de LCI a été jetée à terre par des manifestants à Paris ; deux vidéastes de l’AFP ont été menacés alors qu’ils filmaient des échauffourées ; une journaliste de La Dépêche a été menacée par des "gilets jaunes" à Toulouse, alors qu’elle était seule dans sa voiture : "On va te sortir et te violer".
A #Toulouse, une horde de #GiletsJaunes se défoule sur UNE journaliste de @ladepechedumidi SEULE dans sa voiture. "On va te sortir et te violer". Elle a pu leur échapper grâce à l'aide 2 GJ . Honte à eux #Acte9
— Lionel Laparade (@LLaparade) 12 janvier 2019
Un service d’ordre de "gilets jaunes"
Contrairement à la semaine précédente, le cortège parisien s’est lui déroulé dans le calme et sans incident grave, en dépit de heurts qui sont survenus en fin de manifestation sur la place de l’Etoile entre certains manifestants et des CRS. "Objectivement ils étaient moins violents", a concédé une source à Europe 1. "La responsabilité l'a emporté sur la tentation de l'affrontement", a lui-même salué Christophe Castaner. Cette "responsabilité" serait-elle le fait d’une nouveauté mise en œuvre à l’occasion de cet "acte 9" : un service d’ordre de "gilets jaunes" ? Pour la première fois samedi, le cortège a en effet défilé dans les rues de Paris encadré par un service d’ordre.
Les volontaires du service d'ordre portaient des brassards blancs. ©LUDOVIC MARIN / AFP
Une quarantaine de personnes volontaires, brassard blanc autour du bras et suspendues à leur téléphone, ont passé la journée à encadrer la marche, éviter les débordements et les "violences policières". Place de la Bastille par exemple, ils ont fait descendre deux personnes qui sautaient sur un abribus. Près des Galeries Lafayette boulevard Haussmann, ils ont établi un cordon, bras dessus bras dessous, pour barrer le passage à des manifestants qui voulaient s'en prendre aux forces de l'ordre, puis écarté ceux qui voulaient s'attaquer aux vitrines. L’initiative a été globalement bien accueillie dans les rangs des "gilets jaunes". "Il y a toujours un petit groupe qui veut faire plus en cassant, en se montrant, mais ce n’est pas du tout représentatif du mouvement, qui est calme et pacifique", a assuré à Europe 1 Olivier, dans le cortège parisien.
"Libérez Christophe !" Désormais, les cortèges de "gilets jaunes" entendent se concentrer sur un objectif : "Macron démission", comme cela a une nouvelle fois été scandé à travers la France samedi. Dans les manifestations du jour, ont également résonné des "Libérez Christophe !", en référence à l’ex-boxeur Christophe Dettinger, placé en détention provisoire dans l’attente de son procès après avoir frappé deux gendarmes lors de "l’acte 8" à Paris.
Samedi, les "gilets jaunes" affichaient leur soutien à Christophe Dettinger. ©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Le mouvement des "gilets jaunes" a même trouvé quelques voix d’apaisement. A Paris, avenue Marceau, "l’acte 9" s’est terminé sur le ton de la rigolade : "bon ben à samedi prochain", a lancé un petit groupe à des CRS en retrait. "Ça marche", leur ont répondu les fonctionnaires.