Gilets jaunes 1:58
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Mathilde Durand , modifié à
Samedi, quelques 6.000 "gilets jaunes" ont défilé dans toute la France, dont 2.500 à Paris, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. "Le mouvement, qui existait par sa présence dans la rue, n'existe pratiquement plus", décrypte Jérôme Sainte-Marie, politologue et président de la société d’études et de conseil Polling Vox, sur Europe 1. 
ANALYSE

Les "gilets jaunes" ont fait leur rentrée samedi, avec une faible mobilisation. Ils étaient 6.000 à défiler en France, dont 2.500 à Paris, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Après de nombreuses manifestations chaque samedi, le mouvement populaire, lancé en novembre 2018, est-il en train de disparaître ? "Le mouvement, qui existait par sa présence dans la rue, n'existe pratiquement plus", décrypte Jérôme Sainte-Marie, politologue et président de la société d’études et de conseil Polling Vox, sur Europe 1. 

La tentation de la convergence des luttes 

"On sort de six mois où il n'y avait pas de mobilisations possibles, et si vous cherchez la dernière grande mobilisation de "gilets jaunes", je pense qu'il faut remonter au 1er mai 2019, donc cela fait très longtemps que ce mouvement a pratiquement disparu dans la rue", poursuit le politologue qui explique ce phénomène par une volonté de convergence des luttes. "Je crois qu'il y a plusieurs causes à cela, y compris une forme de 'gauchisation' de ses porte-paroles qui ont voulu pratiquer une forme de convergence des luttes. Ils s'étaient associés d'ailleurs à la mobilisation autour d'Adama Traoré. Et cette tentation de la convergence a abouti à une catastrophe."

Selon une étude de l'Ifop révélée par Le Parisien dimanche matin, seulement 10% des personnes interrogées se sentent encore "gilets jaunes", soit neuf points de moins que l'année dernière. En revanche, ils sont encore 41% à ne pas sentir "gilets jaunes" mais à les soutenir. "Plus vous avez le sentiment d'être en bas de la société, plus vous l'êtes vraiment par votre revenu ou par votre situation sociale, et plus vous vous identifiez toujours aux gilets jaunes", analyse Jérôme Sainte-Marie.

La répression et le coronavirus démobilisent 

Pourtant d'après les chiffres des mobilisations précédentes, ce soutien ne se traduit plus sur le pavé. Selon le politologue, il y a plusieurs raisons à cela notamment une forme de répression. "Cela a un coût de manifester, il faut d'abord accéder aux endroits où on manifeste", assure-t-il. "Il y a eu de très nombreuses interpellations, c'est dissuasif."

Un autre facteur de démobilisation : le coronavirus. "Avec le Covid-19, beaucoup de choses ont changé. D'une part, le train de réformes poussé par Emmanuel Macron s'est interrompu. Et puis les malheurs sociaux des commerçants, des artisans, de tous ces travailleurs pauvres du privé qui s'étaient identifiés aux gilets jaunes n'ont pas diminué, ils se sont même amplifiés, mais il ont maintenant une cause extérieure à la politique", explique Jérôme Sainte-Marie. "L'aggravation de la situation économique disculpe, d'une certaine manière le gouvernement d'en être l'auteur." 

Bigard ou Raoult ? 

La mobilisation de samedi a été marquée par la présence de Jean-Marie Bigard, chahuté et exfiltré de la manifestation après s'être désolidarisé des propos de Jérôme Rodrigues, figure historique du mouvement. L'humoriste a fait une incursion dans le paysage politique au cours de l'épidémie de coronavirus, se déclarant prêt à être candidat pour la prochaine élection présidentielle de 2022. Une option qui séduit les "gilets jaunes" ? Selon l'étude de l'Ifop, seuls 32% des individus se sentant appartenir au mouvement se disent prêts à voter pour lui.

"On a une bonne partie des Français qui ne souhaitent pas pour l'instant le duel qui semble le plus vraisemblable au second tour qui est le duel Macron-Le Pen et donc les gens cherchent des solutions alternatives", nuance Jérôme Sainte-Marie. "Le phénomène Bigard a été exagéré."

En revanche, la figure du professeur Didier Raoult, ardent défenseur des traitements à la chloroquine pour combattre le coronavirus, séduit. "Didier Raoult c'est un élément de l'élite qui devient un leader populiste, ou qui pourrait le devenir", analyse le politologue. Une élite objective et scientifique qui pourrait concurrencer "les élites politiques, économiques ou médiatiques", poursuit-il.