"Il le tabasse, il tabasse tout le monde !", dénonce un manifestant sur l'une des vidéos filmées à Toulon, samedi. Diffusés dimanche sur les réseaux sociaux, deux courts films - qui ne montrent ni le début ni la fin des scènes concernées - sont depuis abondamment partagées et commentées. Elles montrent un officier de police frappant plusieurs personnes lors d'un rassemblement de "gilets jaunes". Au lendemain de la saisie de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) par le préfet du Var dans ce dossier, Europe 1 fait le point sur ce que l'on sait de ces violences.
Que reproche-t-on à ce policier ?
Sur les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on le voit donnant plusieurs coups de poing au visage d'un homme plaqué contre un mur, avant que d'autres fonctionnaires ne s'interposent, puis frapper, de nouveau à coups de poing, un "gilet jaune" qu'il retient sur le capot d'une voiture. Interrogée par Europe 1, une trentenaire affirme également avoir été victime de violences, non filmées, en marge du mouvement toulonnais de samedi. Elle décrit un policier "habillé en tenue de motard, sans casque", comme le commandant divisionnaire sur les deux vidéos, qui lui aurait "donné un coup de tête au niveau du nez". Cette manifestante s'est vu prescrire 48 heures d'incapacité totale de travail (ITT) et a porté plainte contre X.
⚡ VIDÉO - Un policier a été filmé en train de frapper plusieurs personnes aujourd'hui avenue Vauban à #Toulon lors du mouvement des #Giletsjaunes. Il enchaîne notamment les coups de poings dans la tête d'un homme qui est dos au mur. ( NC - L.Robion - FB) pic.twitter.com/JP2BvucxnN
— Brèves de presse (@Brevesdepresse) 5 janvier 2019
C'est normal ça @CCastaner ? #ActeVIIIpic.twitter.com/5VWfFdmhCk
— Pierre Schydlowski (@PSchydlowski) 5 janvier 2019
Comment se défend-il ?
Dans une interview accordée à Var Matin, le commandant s'exprime sur les deux scènes filmées. Pour la première, il explique que l'homme, "un multirécidiviste qui n'a rien à voir avec les gilets jaunes", avait "jeté des objets sur les policiers" et tenait un tesson de bouteille dans sa main. C'est "pour lui faire lâcher" qu'il lui aurait d'abord frappé la main, puis donné "deux autres coups", ne sachant pas s'il était toujours armé de ce morceau de verre. Concernant la deuxième vidéo, "il s'agissait d'un homme identifié comme un meneur, qui donnait l'instruction de prendre des palettes et de former des barricades qui ont été incendiées", assure le policier au quotidien local, expliquant que ses coups "correspondants à l'interpellation d'un homme qui se rebellait" et sont portés "sur l'épaule". Auprès du journal, le fonctionnaire invoque enfin le contexte général, affirmant avoir été "pris à partie par une dizaine d'individus" plus tôt dans l'après-midi, samedi à Toulon, et "frappé avec des coups de pieds, notamment dans la tête", avant que ses collègues ne fassent usage de grenades de désencerclement.
Les arguments ont convaincu le procureur de la République de Toulon, Bernard Marchal, qui n'a pas ouvert de procédure contre le fonctionnaire. "Il y avait un contexte insurrectionnel avant et après ces vidéos, dans lequel il était impossible d'interpeller quelqu'un sans violence, et il a agi proportionnellement la menace", a-t-il indiqué à l'AFP. A ce stade, le dossier n'est donc pas judiciaire, en l'absence de plainte visant le policier. La police des polices (IGPN) est saisie pour une enquête administrative.
Que sait-on de ce commandant ?
Remplaçant d'un commissaire en arrêt maladie, le policier filmé est responsable par intérim des 400 policiers en tenue de Toulon. Selon le procureur, il a participé à toutes les opérations de sécurisation des manifestations de "gilets jaunes" à Toulon et est bien connu des manifestants. En service depuis 34 ans, il faisait partie de la dernière promotion de la Légion d'honneur, annoncé le 1er janvier dernier.
En interne, l'homme avait déjà été sanctionné il y a quatre ans, pour une manchette adressée à l'un de ses collègues dans les vestiaires. Il avait alors évoqué un malencontreux accident, indiquant avoir simplement voulu fermer la porte de son casier lorsqu'un major de police était passé près de lui. Ce dernier avait eu le nez cassé. Le commandant avait lui écopé d'un simple avertissement de sa hiérarchie. "Beaucoup de policiers avaient jugé la sanction très indulgente", témoigne un officier toulonnais auprès du Parisien. Selon les informations d'Europe 1, le fonctionnaire a été prié de rendre son arme de service après les violences de samedi.